La ministre de la santé, Agnès Buzyn, s’est dite opposée, vendredi 5 avril, à l’idée d’autoriser la grande distribution à vendre des médicaments sans ordonnance, comme l’a prôné la veille l’Autorité de la concurrence, estimant qu’une telle réforme pourrait fragiliser le réseau des pharmacies en milieu rural.

« Je n’y suis pas favorable », a déclaré la ministre au micro d’Europe 1. « Quand on parle de la désertification médicale, de l’abandon des territoires, fragiliser les petites pharmacies en zone rurale qui sont souvent le premier recours pour les personnes malades, je pense que ça serait une très mauvaise idée et un très mauvais signal », a estimé Mme Buzyn.

Par ailleurs, « considérer que les médicaments, ça s’achète comme n’importe quel produit de consommation alimentaire, je trouve ça problématique », a encore souligné la ministre, médecin de profession. « Il y a toujours des effets secondaires quand on prend des médicaments, ça nécessite toujours un conseil et les pharmaciens sont là pour donner des conseils, orienter les gens », a-t-elle ajouté.

Jeudi, l’Autorité de la concurrence a recommandé d’élargir la vente de médicaments sans ordonnance aux parapharmacies et à la grande distribution. Une telle évolution devrait avoir pour cadre des espaces dédiés au sein des supermarchés, avec la présence « obligatoire et continue d’un pharmacien » responsable, selon l’Autorité. Elle a aussi souligné que l’installation de ces nouveaux lieux de dispensation devrait aussi être encadrée par les autorités pour ne pas affaiblir le maillage territorial des pharmacies – l’une des craintes majeures des syndicats du secteur.

Sécurité des patients

Pour l’Ordre national des pharmaciens, une telle réforme reviendrait à « casser un modèle qui garantit la sécurité sanitaire des patients ». Selon Carine Wolf-Thal, sa présidente, le système actuel permet à la population de « bénéficier, en tout point du territoire, d’un accès, dans un lieu de santé, à des médicaments et des actes de biologie médicale sûrs et de qualité. Veillons à ne pas mettre en péril une organisation qui a toujours su s’adapter et répondre aux attentes de la population ! Elle garantit une proximité dont les Français ont plus que jamais besoin pour répondre aux difficultés d’accès à l’offre de soins », estime-t-elle.

Dans son avis, l’Autorité de la concurrence a également recommandé d’assouplir les modalités de vente sur Internet des médicaments sans ordonnance par les pharmacies. « Nous y travaillons, parce qu’il y a une demande, un besoin, nous avons un groupe de travail qui se réunit avec les pharmaciens », a commenté, à ce propos, Mme Buzyn sur Europe 1.

« Mais là encore, pour moi, l’enjeu, c’est la sécurité », a-t-elle ajouté. « On ne peut pas tout acheter sur Internet, il faut absolument sécuriser ces achats […], il faut que les pharmaciens, notamment de proximité, puissent bénéficier de cette vente en ligne et que ça ne soit pas au détriment de ce maillage territorial extraordinaire et du travail que font les pharmaciens au quotidien pour la santé publique », a souligné la ministre.