Le guitariste et chanteur Chuck Berry est mort le 18 mars 2017, à l’âge de 90 ans. / CHRIS FOSTER / REX / SHUTTERSTOCK

Arte, vendredi 5 avril à 22 h 30, documentaire

Fin janvier 2018, le magazine américain Billboard annonçait que la famille de Chuck Berry avait donné son accord pour deux films consacrés au célèbre guitariste et chanteur, mort le 18 mars 2017, à l’âge de 90 ans. Un biopic, qui, pour l’heure, semble être resté à l’état de projet, et un film documentaire, confié à Jon Brewer, réalisateur et producteur de nombreux films musicaux, dont certains pour la série britannique « Classic Artists » et, récemment, des portraits du guitariste de blues B. B. King et du chanteur Nat King Cole.

La forme de ce documentaire, que présente la chaîne Arte, reste classique. Photographies, documents filmés – sans mention de dates ou de lieux –, entretiens avec des musiciens ou des professionnels de la musique, dont certains tirés d’archives, pour retracer les étapes de la carrière de celui qui a laissé à la postérité des classiques du rock’n’roll, dont Maybellene, en 1955, qui le révéla, Roll Over Beethoven, en 1956, Johnny B. Goode, en 1958, probablement son hymne rock’n’roll le plus célèbre, Memphis Tennessee, en 1959… Et participation de la famille, avec en tête la veuve du musicien, Themetta Berry, pour la note « officielle » revendiquée par le film et ce qu’il faut de souvenirs émus.

Chuck Berry - Johnny B. Goode (Live 1958)
Durée : 03:05

Le principal intérêt de cet inédit réside dans son suivi chronologique qui permet d’approcher quelques éléments thématiques. Ainsi, partant des premiers pas de musicien de Berry, l’on aborde sa manière de jouer de la guitare, dans la lignée des bluesmen T-Bone Walker (1910-1975) et Muddy Waters (1915-1983) ; son attaque n’est pas sans rappeler une frappe percussive sur les touches d’un piano. L’évocation du premier succès de Berry, en juillet 1955, Maybellene, adaptation d’un air country, Ida Red, est l’occasion de revenir sur une pratique de l’époque, consistant à attribuer au programmateur d’une station de radio une part des crédits de composition, afin qu’il passe la chanson massivement sur les ondes.

Ségrégation raciale

La même Maybellene permet de recueillir le témoignage de Marshall Chess, fils de Leonard Chess et neveu de Phil Chess, les fondateurs de la maison de disques à leur nom qui accompagna la carrière de Berry jusqu’en 1966, puis de 1970 à 1975. Autre thématique, celle de la ségrégation raciale, sur laquelle reviennent deux autres inventeurs du rock, le guitariste Bo Diddley (1928-2008) et le pianiste Little Richard – qui ont vécu les mêmes souffrances – ou le producteur Ahmet Ertegün. Charge au bassiste Gene Simmons, du groupe Kiss, d’apporter une perspective historique.

Chuck Berry - Maybellene
Durée : 03:41

Le film se penche aussi sur les déboires de Berry avec l’administration fiscale, la brigade des stupéfiants ou les accusations de femmes qui auraient été filmées dans les toilettes des bureaux de Berry. Mais du seul point de vue de manigances à l’encontre du chanteur et guitariste.

Le moment le plus savoureux du documentaire revient aux concerts des 60 ans de « Chuck », le 16 octobre 1986, au Fox Theatre de Saint Louis (Missouri), sa ville natale. A l’époque, Taylor Hackford filma répétitions et concerts qui donnèrent lieu au film Hail ! Hail ! Rock’n’Roll. L’on en voit des extraits, avec des souvenirs de l’équipe du film, à laquelle Berry a fait vivre un enfer de récriminations, en particulier financières. Et surtout ce passage durant lequel Keith Richards, guitariste des Rolling Stones et admirateur de Berry, se fait expliquer par ce dernier comment jouer à sa façon. Avec échange de regards assassins.

Chuck Berry, film documentaire de Jon Brewer (RU, 2018, 100 min). www.arte.tv/fr/videos/080529-000-A/chuck-berry