Samir Dahmani, ici en 2016, est accusé d’avoir empêché physiquement un contrôle antidopage au Maroc, le 27 mars 2019. / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

L’expérience de Me Arnaud Péricard, avocat, en 2018, du boxeur Tony Yoka face à l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), ne sera pas de trop pour sortir Clémence Calvin de l’ornière. L’athlète française, toujours injoignable, a fait appel à ce spécialiste du droit du sport, par ailleurs maire de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), pour échapper à la suspension de quatre ans qu’elle risque après s’être vraisemblablement soustraite à un contrôle antidopage, mercredi 27 mars au Maroc.

Lors de cette tentative avortée de contrôle, le compagnon et entraîneur de la vice-championne d’Europe du marathon, Samir Dahmani, a joué un rôle important, selon plusieurs sources concordantes et proches du dossier : il a eu, d’après le récit fait au Monde, une altercation avec l’un des deux préleveurs mandatés de l’AFLD, alors que celui-ci notifiait au couple qu’il allait être contrôlé.

Pendant cette confrontation physique, Clémence Calvin a pris la fuite, poursuivie par l’autre préleveuse de l’AFLD tentant de lui notifier la sanction qu’elle encourait en se soustrayant au contrôle.

Si cet épisode a bien eu lieu au Maroc, ce n’était pas à Ifrane, le lieu d’entraînement habituel du couple, mais à Marrakech, rapportent plusieurs sources concordantes. Le matin même, un rapport de « no show » a été fait à l’endroit de Clémence Calvin, qui ne se trouvait pas à l’adresse indiquée sur la plateforme de localisation ADAMS, conçue pour programmer des contrôles inopinés.

Surveillance rapprochée depuis plusieurs années

Samir Dahmani disait, jeudi 4 avril, que Clémence Calvin « n’avait pas été à Ifrane ces derniers temps ». Pour le reste, l’athlète français démentait que sa compagne ait connu le moindre problème avec des préleveurs antidopage. Il affirmait n’être actuellement pas auprès d’elle, car il s’occupait de leur enfant.

Vendredi matin, nos appels à Samir Dahmani et Clémence Calvin restaient sans réponse. Selon nos informations, la marathonienne est rentrée en France mais ne répond toujours pas aux appels téléphoniques de son manager René Auguin.

Me Arnaud Péricard, de son côté, ne fait aucun commentaire, n’ayant « reçu aucune information ou notification de l’Agence ».

L’affaire, qui va faire l’objet d’une bataille juridique entre l’AFLD et la défense du couple d’athlètes - sur le fait qu’il y ait eu, ou non un refus de contrôle - pourrait mettre un coup d’arrêt à la carrière de Clémence Calvin, élue athlète féminine de l’année en 2018 par la Fédération française d’athlétisme.

Clémence Calvin faisait l’objet d’une surveillance rapprochée de l’AFLD depuis plusieurs années. Après ses premières performances chez les séniors, avec une médaille d’argent européenne sur 10 000 mètres en 2014, l’agence avait dressé son passeport biologique et observé des variations suspectes dans ses valeurs sanguines, pouvant indiquer des manipulations.

Comme le veut le code mondial antidopage, elle l’avait présenté à trois experts indépendants, mais tous n’étaient pas convaincus que ces anomalies étaient suffisamment évidentes pour déboucher sur une suspension pour dopage.

Clémence Calvin avait pris la médaille d’argent aux championnats d’Europe 2018, à l’occasion de son premier marathon. / ANDREJ ISAKOVIC / AFP

Samir Dahmani risque une peine de prison

S’il se confirmait que Samir Dahmani a empêché physiquement un contrôle antidopage, il risquerait non seulement une suspension de quatre ans mais aussi une peine de six mois de prison et 7 500 euros d’amende.

En effet, le code du sport, révisé cette année pour se conformer au code mondial antidopage, comporte une infraction de « falsification » du contrôle, laquelle inclut le fait « de créer un obstacle, d’induire en erreur ou de se livrer à une conduite frauduleuse afin de modifier des résultats ou d’empêcher des procédures normales de suivre leur cours ».

Dans ces conditions, le service juridique de l’AFLD pourrait décider de dénoncer le comportement de Samir Dahmani auprès du procureur de la République par le biais de l’article 40 du code de procédure pénale.

Samir Dahmani, qui a eu 28 ans le 3 avril, a longtemps été un grand espoir de l’athlétisme français, battant les records de France juniors sur 800 et 1 500 mètres.

Après plusieurs saisons interrompues par les blessures, il était revenu à son meilleur niveau en 2015 et 2016. Il est double champion de France en titre du 1 500 mètres en salle et entraîné par Philippe Dupont, entraîneur national à l’Insep et ancien responsable du demi-fond à la Fédération française d’athlétisme.

Philippe Dupont est un habitué des stages à Ifrane, où il emmène son autre élève, le champion d’Europe du 10 000 mètres Morhad Amdouni.