Les Bleues ont battu le Japon jeudi 4 avril. / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Deux sur trois. Les Bleues ont achevé, jeudi 4 avril, par une deuxième victoire en trois matchs leur redoutable série d’affrontements face aux trois dernières équipes championnes du monde.

Après une belle victoire en début d’année face aux Américaines (3-1), sacrées en 2015, et une courte défaite en février face aux Allemandes (1-0), titrées en 2007, elles ont en effet dominé une autre nation phare du football au féminin, le Japon (3-1), qui avait triomphé lors de l’avant-dernier Mondial en 2011.

On ne pourra pas accuser la sélectionneuse Corinne Diacre et la Fédération française de football (FFF) d’avoir choisi la facilité. A l’exception d’un succès facile face aux modestes Urugayennes (6-0), le programme des joueuses françaises, qui débuteront la Coupe du monde à domicile dans 64 jours, s’est avéré pantagruélique depuis le mois de janvier.

Equipe choisie pour ses similitudes dans le jeu avec la Corée du Sud, premier adversaire de l’équipe de France lors du match d’ouverture le 7 juin prochain au Parc des Princes, le Japon a offert l’opposition que l’on attendait. « C’est une équipe qui joue très bien au ballon, qui a une possession du ballon dont on pourrait peut-être s’inspirer parfois. Elle est agréable à regarder ; j’espère que demain, on ne fera pas que la regarder jouer », avait averti Corinne Diacre la veille en conférence de presse.

Diani inarrêtable, Le Sommer décisive

Ses protégées ont entendu le conseil et l’ont appliqué la plupart du temps. Plus athlétiques et plus rapides, les joueuses tricolores ont semé la panique au sein de la défense nippone dès qu’elles ont mis de l’intensité. La joueuse du PSG, Kadidiatou Diani a ainsi mis au supplice les défenseuses japonaises. A l’inverse, dès qu’elles se sont relâchées un court instant, les visiteuses ont alors pu développer leur football léché et technique.

D’entrée, les Françaises bousculaient leurs adversaires. Elles allaient rapidement ouvrir le score, grâce à un but fantôme, que l’arbitre n’aurait pas dû accorder. Sans l’aide de l’arbitrage vidéo, qui sera en revanche actif à la Coupe du monde, la Suédoise Sara Person validait à tort la reprise de la tête de Valérie Gauvin, repoussée avant la ligne par la gardienne Ayaka Yamashita (4e, 1-0).

L’action collective avait été malgré tout de toute beauté : la latérale gauche Amel Majri en était à l’origine par ses dribbles chaloupés, le ballon transitait par Kadidiatou Diani, qui décalait intelligemment l’autre latérale, Marion Torrent. Le centre de cette dernière permettait à Gauvin de prendre le dessus sur la défense japonaise.

Bizarrement, cette ouverture du score refrénait les ardeurs des Bleues, qui laissaient pendant quelques minutes le Japon imposer son football. C’est le moment où la gardienne Pauline Peyraud-Magnin, habituelle remplaçante, s’écroulait en pleine surface suite à un dégagement a priori anodin (19e). Elle sortait sur une civière, apparemment touchée au genou, remplacée par la titulaire Sarah Bouhaddi. Cette dernière n’avait pas le temps de se chauffer qu’elle encaissait l’égalisation sur une première frappe repoussée et reprise par Rikako Kobayashi (24e, 1-1).

Touchées dans leur orgueil, les coéquipières de la capitaine Amandine Henry reprenaient alors le cours de leurs bonnes intentions. Et multipliaient les occasions de but : à la 27e minute, le centre tir d’Eugénie Le Sommer inquiétait Yamashita, à la 30e, Diani centrait subtilement pour la reprise de la tête non cadrée de Gaëtane Thiney, puis à la 32e, Elise Bussaglia manquait complètement son tir en position idéale en pleine surface.

Mais l’acharnement finissait enfin par payer grâce à l’inévitable Le Sommer, qui avait manqué les deux dernières rencontres sur blessure. Avec l’opportunisme qu’on lui connaît, la Lyonnaise reprenait avec succès un ballon qui traînait. Sa frappe déviée trompait la gardienne du Japon (33e, 2-1).

En deuxième période, les Tricolores ne relâchaient pas la pression et acculaient les Japonaises dans leur camp. D’abord sans succès, malgré des occasions de Diani (49e et 77e), ou notamment de Wendie Renard (80e)… Kadidiatou Diani, encore elle, recevait finalement la récompense de son énorme prestation. Sur un raid de Delphine Cascarino, entrée en jeu, elle suivait parfaitement pour inscrire le but du break (82e, 3-1). La Parisienne a assurément marqué des points pour une place de titulaire en attaque, aux côtés de l’inévitable Eugénie Le Sommer.

Egalement buteuse, Le Sommer a une nouvelle fois démontré toute son importance dans le jeu offensif des Bleues. Pour sa 158e sélection, l’attaquante lyonnaise a inscrit son 74e but, plus qu’à 7 unités du record détenu en sélection par Marinette Pichon (81 buts). « Marinette a marqué l’histoire de l’équipe de France, je suis consciente de ce que cela représente. Mais je ne me donne pas d’objectif de buts. Marquer des buts et ne rien gagner, cela ne m’intéresse pas », avait-elle expliqué avant la rencontre.

Kadidiatou Diani a réalisé une très belle performance face au Japon. / FRANCK FIFE / AFP

Sa sélectionneuse Corinne Diacre sait qu’elle pourra s’appuyer sur le talent et l’expérience de Le Sommer : « C’est un cadre de l’équipe, l’une des vice-capitaines et la meilleure buteuse en activité des Bleues. Elle a un vécu très important avec son club et la sélection. Mais il faut aussi la décharger d’un certain poids… »

15 000 spectateurs à Auxerre

Après Le Havre (22 000 spectateurs) et Laval (10 000 spectateurs), la tournée des préfectures et des sous-préfectures des footballeuses françaises a connu un nouveau succès d’estime à Auxerre, une ville à l’histoire footballistique riche. 15 379 spectateurs ont garni les tribunes du stade de l’Abbé Deschamps, qui ne vibre guère plus depuis quelques saisons. Loin des fastes des soirées européennes passées, à des années-lumière du doublé coupe-championnat réussi en 1996, l’équipe locale, l’AJ Auxerre (15e de Ligue 2), n’évolue plus en moyenne que devant une affluence modeste de 5 000 fans.

L’engouement autour de l’équipe de France progresse de jour en jour. Evoluer à domicile sera un atout si les Bleues parviennent à gérer cette pression qui s’installe crescendo. Plus on approche du grand rendez-vous, plus cette équipe, qui n’a encore rien gagné et n’a même jamais disputé une finale d’une grande compétition, va sentir la responsabilité qui pèse sur ses épaules. Depuis quelques mois, les rassemblements à Clairefontaine attirent déjà un nombre croissant de journalistes, dont des médias qui n’ont pas l’habitude de s’intéresser au football.

Mardi midi, le président de la Fédération française de football est venu en personne saluer les joueuses avant le départ pour Auxerre. Sous la forme d’une apparente boutade, Nöel Le Graët a fixé la barre haute : « Je viens de les voir. J’ai dit seules les deux premières places m’intéressent donc la finale. Et elles sont assez d’accord. » Le Breton aimerait bien tirer sa révérence, à l’issue de son mandat en 2020, avec une deuxième Coupe du monde à son actif.

Le plateau est en tout cas plus que jamais ouvert. Avec des sélections comme les Etats-Unis, l’Allemagne ou l’Angleterre, la France a les atouts pour prétendre à un premier sacre international. Il suffit peut-être de s’en convaincre.