Des fleurs déposées dans un cimetière de victimes du génocide, à Kigali, le 6 avril 2019. / BAZ RATNER / REUTERS

Le Rwanda débute, dimanche 7 avril, une série de commémorations du génocide de 1994 au cours duquel au moins 800 000 personnes, essentiellement parmi les Tutsi, périrent en cent jours lors d’un drame indicible qui a changé à jamais la face du pays.

La journée de dimanche ouvre une semaine d’activités consacrées à la mémoire du génocide et un deuil de cent jours, une période de commémoration toujours très douloureuse pour les survivants et leurs familles.

Le chef de l’État rwandais Paul Kagame, 61 ans, lancera les célébrations en déposant une gerbe et en allumant une flamme au mémorial de Gisozi à Kigali, où plus de 250 000 victimes du génocide sont enterrées. Il fera ensuite son discours rituel lors d’une cérémonie au Centre de conventions de Kigali, emblème de la modernité de la capitale rwandaise et du renouveau du pays depuis 1994.

Puis une marche du souvenir mènera M. Kagame et ses invités vers le stade Amahoro (« Paix », en kinyarwanda), où aura lieu une veillée. Ce stade, dans lequel s’étaient réfugiés en 1994 des milliers de Tutsi pour échapper, sous la protection de l’ONU, aux tueries, est souvent le lieu de crises traumatiques, appelées Ihahamuka, parmi le public bouleversé qui revit le drame.

A l’instigation du régime extrémiste hutu alors au pouvoir, le génocide a coûté la vie entre avril et juillet 1994, à au moins 800 000 personnes, selon l’ONU, essentiellement au sein de la minorité tutsi, mais aussi parmi les Hutu modérés. Si le Rwanda s’est reconstruit, en l’espace d’une génération, sur les plans politiques, social et économique, la mémoire du dernier génocide du XXe siècle n’est pas effacée. Le traumatisme fait toujours ressentir ses effets sur ceux qui l’ont vécu, mais aussi sur les jeunes.

A coups de gourdin ou de machette

Le déclencheur du génocide a été l’assassinat au soir du 6 avril 1994 du président rwandais Juvénal Habyarimana, un Hutu. Le lendemain, les Forces armées rwandaises (FAR) et les miliciens extrémistes hutu Interahamwe ont donné le signal des massacres.

Encouragée par les autorités et les « médias de la haine », dont la fameuse radio des Mille collines, une partie de la population, de toutes les couches sociales, a prêté son concours à l’extermination, à coups de gourdin ou de machette, d’hommes, de femmes et d’enfants partout dans le pays.

Des Hutu ayant refusé de s’associer aux tueries ou soupçonnés de sympathie envers les Tutsi ont aussi été tués. Le carnage n’a pris fin que grâce à l’entrée le 4 juillet à Kigali de la rébellion tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), avec à sa tête un jeune chef militaire de 36 ans, Paul Kagame.

Une dizaine de chefs d’État ou de gouvernement sont attendus à cette commémoration. Aucun, toutefois, ne vient des pays de la sous-région, ce qui témoigne du relatif isolement dont continue à souffrir le Rwanda.

Hervé Berville représentant de la France

Le Premier ministre belge Charles Michel, venu exprimer le soutien de l’ancienne puissance coloniale, est le seul non-Africain.

Le président français Emmanuel Macron, qui était également invité, a décliné, officiellement pour des raisons d’agenda. Son absence est une déception pour les Rwandais, qui espéraient le voir exprimer des excuses de la France pour son rôle en 1994.

La France est accusée par le pouvoir rwandais d’avoir été complice du régime hutu responsable du génocide, voire d’avoir pris une part active aux massacres, ce qu’elle a toujours nié. La polémique empoisonne depuis des années les relations entre les deux pays, même si elles sont meilleures depuis l’élection en 2017 de M. Macron. Le chef de l’État français a fait deux gestes symboliques à l’attention de Kigali.

Il a d’abord dépêché pour le représenter le député Hervé Berville, orphelin tutsi rwandais adopté par une famille française en 1994. Et surtout, il a annoncé vendredi l’ouverture à une commission d’historiens de « toutes les archives françaises » sur la période 1990-1994, un engagement pris en mai 2018 à l’issue d’une rencontre avec M. Kagame.

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