Et si ensemble tout devenait possible ? C’est le pari de La France insoumise (LFI) qui a réuni, mercredi 10 avril, trois de ses figures pour un meeting à Amiens : Manon Aubry, tête de liste ; les députés Jean-Luc Mélenchon (Bouches-du-Rhône) et François Ruffin (Somme). Ils encadraient Evelyne Becker, candidate sur la liste LFI pour les élections européennes.

La présence des deux vedettes insoumises devait marquer un nouvel élan que le mouvement populiste de gauche veut donner à sa campagne. Depuis un mois, la mobilisation générale a été déclarée. M. Mélenchon a pris sa place dans le dispositif de campagne, enchaînant un meeting par semaine. La présence de M. Ruffin, d’habitude plutôt éloigné de la vie du mouvement, est une preuve supplémentaire que tout le monde soutient Manon Aubry.

Il faut dire que la candidate de 29 ans a eu du mal, au tout début, à s’imposer dans la campagne. Un exercice difficile pour cette novice en politique, à un moment où l’attention médiatique n’était pas encore braquée sur le scrutin européen. Si l’on ajoute à cela les dommages causés, en termes d’image, par les vidéos montrant M. Mélenchon s’emporter lors des perquisitions à son domicile et au siège de son mouvement cet automne, l’on comprend comment LFI a pu tomber à 7 % des intentions de vote.

Inversion des courbes

Mais l’inversion des courbes sondagières semble désormais amorcée. LFI est repassée devant Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et l’IFOP donne la liste de Manon Aubry à 9 % des intentions de vote (EELV, 7 % ; PS, 5,5 % ; Génération. s, 3 % ; PCF 3 %). De quoi rassurer les stratèges insoumis à moins de deux mois du vote. Autre source de satisfaction pour les mélenchonistes : leur emprunt populaire, lancé le 31 mars, est un succès avec près de deux millions récoltés en moins de quinze jours.

Mercredi, La France insoumise a donc tenu à montrer une unité sans faille. MM. Mélenchon et Ruffin ainsi que Mmes Aubry et Becker ont rencontré, dans l’après-midi, des anciens salariés des entreprises Whirlpool et Prima, le sous-traitant du groupe. Un symbole fort dans le fief du député de la Somme qui a fait de ces dossiers, ses principaux combats.

Le soir, devant la salle comble du Mégacité à Amiens, où un millier de personnes chauffées à blanc étaient réunies, M. Ruffin a fustigé les traités européens « rédigé par les financiers », le libre-échange, la concurrence libre et non faussée, au cœur de la construction européenne, selon lui. Lisant ses notes, mais avec un talent certain et une bonne dose d’humour, le « député reporter » s’est « échiné à montrer » que l’adversaire est « le banquier, pas les immigrés ».

« Il y a vingt ans, il y avait quatorze entreprises dans le département. Aujourd’hui, il y en a cinq. Même les chips sont parties. Quand on perd les patates en Picardie, qu’est-ce qu’il va nous rester ? », a-t-il lancé.

« La France n’est pas une île, ce n’est pas la Grande-Bretagne, elle ne doit pas tourner le dos au continent, elle ne doit pas lui montrer son cul », poursuit-il encore, comme pour dire qu’il n’est pas pour une sortie de l’Union européenne (UE). Et d’appeler au vote le 26 mai : « Ne pas voter, c’est voter Macron. Dites Manon à Macron ! » Puis faisant référence aux « gilets jaunes », nombreux dans l’assistance : « Contre le banquier à l’Eysée, il faut le bout de papier dans l’urne. Mais il faut aussi la rue. »

« Fierté populaire retrouvée »

« On va continuer à se battre, on entend votre colère, on entend votre désarroi, on sera à vos côtés », a promis de son côté Manon Aubry, s’adressant aux salariés en lutte présents au meeting. « Leur modèle détruit la planète, mine les droits sociaux », a-t-elle résumé. Elle aussi a fustigé la libre concurrence et le libéralisme de l’Union européenne, mettant en avant la « fierté populaire retrouvée » de la liste qu’elle conduit, « contre l’argent roi qui veut tout décider ».

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C’est Jean-Luc Mélenchon qui a conclu la soirée. « François Ruffin est un atome libre, Manon Aubry est un atome libre. Moi aussi je n’en fais qu’à ma tête », a-t-il lancé dans un sourire. Enrhumé, la voix donc un peu enrouée, le tribun a longuement rendu hommage aux « gilets jaunes » qui « rallument la flamme révolutionnaire de la France ». Il a aussi rappelé son « exigence rigoureuse de cohérence des idées » et du rassemblement autour du programme de La France insoumise : « C’est notre responsabilité d’avoir avec tout le monde des débats au fond pour savoir si on peut s’accorder. » Comme une manière de donner rendez-vous pour l’après élections européennes et préparer les municipales de 2020.