La première ministre Theresa May, à l’issue d’un conseil extraordinaire des leaders européens sur le Brexit, organisé le 11 avril, à Bruxelles. / YVES HERMAN / REUTERS

Editorial du « Monde ». Il y a toutes les raisons d’être excédé par ces Britanniques incapables de résoudre le pataquès du Brexit dans lequel ils se sont fourrés et qui viennent de nouveau tendre la sébile pour quémander un délai de grâce. Voilà près de trois ans que le vaudeville politique britannique gangrène le Royaume-Uni, qu’aucun responsable politique n’est capable d’aller au-delà de la tautologie de la première ministre, Theresa May : « Brexit means Brexit » (Brexit veut dire Brexit). Mais sans savoir comment y parvenir.

Voilà trois mois que le Parlement britannique, poumon de la démocratie parlementaire, est embarqué dans un interminable sketch des Monty Python, où chacun défend une seule partition (Brexit dur ou mou, union douanière, référendum, etc.) dans la cacophonie la plus complète.

Le danger est grand que cette folie britannique n’atteigne un continent européen qui n’a vraiment pas besoin de ça. L’insubmersible Theresa May a arraché quelques mois de sursis aux dirigeants européens, mercredi 10 avril dans la nuit. Le Conseil européen a accepté de reporter au 31 octobre la date-butoir de sortie des Britanniques. En route donc pour le « Halloween Brexit ». Mais pour quoi faire ?

Il y a deux semaines, les dirigeants juraient leurs grands dieux qu’ils n’accorderaient un délai que si Londres avait des propositions concrètes. Theresa May est arrivée les mains presque vides, remplies seulement de quelques images d’une rencontre avec le leader de l’opposition, Jeremy Corbyn, signe d’un compromis possible auquel personne ne croit guère outre-Manche. Les tories crient à la trahison et se déchirent, pressés de prendre la place de Theresa May. Le Labour semble préférer un nouveau référendum et surtout de nouvelles élections générales.

Joie cynique de Nigel Farage

En attendant, les Britanniques qui ont voté la sortie de l’UE ont donc de bonnes chances de participer au scrutin européen et d’élire 73 députés chargés de participer à la politique d’une maison commune qu’ils risquent – si tout va bien – de quitter quelques mois plus tard. La campagne britannique fait déjà la joie cynique de Nigel Farage, bateleur populiste du référendum de 2016, qui trouve une nouvelle raison de pourfendre l’UE tout en bénéficiant des avantages du Parlement de Strasbourg.

La date limite du 31 octobre a été arrêtée pour que le divorce intervienne avant la mise en place de la nouvelle Commission européenne le 1er novembre et pour éviter ainsi les risques d’obstruction des Britanniques. L’un des chefs de file des brexiters, Jacob Rees-Mogg, a annoncé la couleur : « Si une extension longue nous bloque dans l’UE, nous devrions être aussi difficiles que possible. Nous pourrions mettre notre veto à toute augmentation du budget, barrer la route à une prétendue armée européenne et bloquer les plans intégrationnistes d’Emmanuel Macron. »

Pour parer à cette éventualité, le président français a essayé de plaider en faveur d’une extension courte, en s’opposant à la chancelière allemande. Contagion du psychodrame britannique, le front uni européen face au Brexit commence à se lézarder. M. Macron s’est finalement rallié à ce compromis d’Halloween, qui permet d’éloigner pour six mois la menace d’une sortie sans accord et ses conséquences économiques. Le choix est risqué. Les populistes vont faire leurs choux gras de ces élections européennes britannico-surréalistes. Mais un scrutin se déroulant juste après un saut de la falaise britannique eût été encore plus périlleux.

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