L’ex-président péruvien, Pedro Pablo Kuczynski, alors qu’un juge vient d’ordonner son arrestation, à Lima, le 10 avril. / STRINGER / REUTERS

L’ex-président du Pérou, Pedro Pablo Kuczynski, a été arrêté, mercredi 10 avril, et placé en détention préliminaire pendant dix jours dans le cadre de l’affaire de corruption Odebretch, qui éclabousse depuis cinq ans de nombreux dirigeants latino-américains.

Celui que l’on surnomme « PPK » est visé par une enquête pour blanchiment d’argent présumé. Il pourrait en effet avoir favorisé le constructeur brésilien Odebrecht – soupçonné de pratiques de corruption au Brésil et dans de nombreux autres pays de la région –, en lui octroyant deux concessions de travaux publics alors qu’il exerçait des fonctions publiques, notamment comme ministre de l’économie puis comme premier ministre dans le gouvernement du président Alejandro Toledo (2001-2006), également visé par une enquête et actuellement en fuite aux Etats-Unis.

Par ailleurs, selon les perquisitions ordonnées par le juge, Odebretch a versé plus deux millions de dollars à des entreprises de conseil directement liées à M. Kuczynski, Westfield Capital et First Capital.

Domicile perquisitionné

La décision intervient alors que le parquet estime qu’il y a un risque « d’entrave à la justice ». Selon la résolution judiciaire, M. Kuczynski aurait tenté de falsifier des preuves de comptabilité de son entreprise, Westfield Capital. Son domicile a été perquisitionné ainsi que ceux de sa secrétaire et son ex-chauffeur, tous deux également arrêtés.

M. Kuczynski a qualifié son arrestation d’« arbitraire », faisant valoir qu’il avait toujours collaboré avec la justice de son pays. Son avocat, Nelson Miranda, a déclaré qu’il ferait appel de la décision. Au terme des dix jours, la loi péruvienne prévoit la possibilité de prison préventive pour une durée allant jusqu’à trente-six mois.

Pedro Pablo Kuczynski avait été élu en juin 2016 après une campagne tumultueuse où il était sorti vainqueur avec seulement 40 000 voix d’avance sur sa concurrente, Keiko Fujimori, fille de l’ancien président autoritaire Alberto Fujimori (1990-2000). Homme d’affaires et ex-banquier, il avait promis de « combattre la corruption » et « l’insécurité citoyenne » mais il s’est vu rapidement rattrapé par l’enquête sur les malversations du groupe Odebrecht.

En décembre 2017, il échappait à une motion de censure du Congrès après un vote controversé entaché du soupçon d’achat de voix de parlementaires par des alliés politiques, en vue de lui éviter la destitution. Il est finalement poussé à la démission le 21 mars 2018, faisant de lui le premier président en exercice d’Amérique latine à quitter son poste pour ses liens présumés avec l’entreprise brésilienne.

Coopération avec la justice

Au Pérou, Odebretch a reconnu avoir versé 29 millions de dollars entre 2005 et 2014. Quatre des derniers ex-présidents du pays sont sous le coup d’une enquête de la justice péruvienne pour leurs liens présumés avec le constructeur : M. Kuczynski, Alejandro Toledo (2001-2006), Alan Garcia (1985-1990 et 2006-2011) et Ollanta Humala (2011-2016). Keiko Fujimori, leader du premier parti d’opposition, est, elle, en prison préventive depuis octobre 2018. Elle est accusée d’avoir reçu un financement illégal d’Odebretch pour sa campagne électorale de 2011, à hauteur de 1,2 million de dollars (1,05 million d’euros).

En février, le géant du BTP a signé un accord de coopération avec la justice péruvienne, dans lequel l’entreprise s’engage à fournir des informations à travers les collaborateurs du groupe et à donner accès sans restriction à ses serveurs. Côté financier, l’accord prévoit le versement de 160 millions d’euros au Pérou au titre de réparations civiles, calculées sur la base de quatre offres remportées par le groupe moyennant le versement de pots-de-vin.

Le dossier n’est pas clos pour autant, et l’affaire pourrait connaître prochainement de nouveaux rebondissements. Le 22 avril, l’ex-numéro un d’Odebretch au Pérou, Jorge Barata, va être entendu par la justice, notamment sur ses apports présumés dans les campagnes électorales de Ollanta Humala, Alejandro Toledo et Alan Garcia. Des confessions attendues qui suscitent de vives tensions dans la classe politique péruvienne.