FRANCE 5 - SAMEDI 13 - 22 h 30. DOCUMENTAIRE

Angelin Preljocaj ouvre son studio de travail à la réalisatrice Florence Platarets. Au printemps 2018, le patron du Ballet Preljocaj, le Centre chorégraphique national d’Aix-en-Provence, y répète Gravité, sa nouvelle pièce pour douze danseurs. Pas à pas, depuis les premiers jets jusqu’aux ultimes débriefings avec les interprètes et à la création du spectacle, en septembre, au Théâtre de Villeurbanne, à Lyon, on suit les étapes de cette fabrique du geste patiente et passionnée.

« Quand je danse et que je transmets ce que je ressens dans mon corps, il y a quelque chose de naturel, une sorte de flux qui me réjouit et me porte, confie le danseur sexagénaire filmé sur l’immense terrasse du Pavillon Noir, son lieu de travail depuis 2006. C’est à l’intérieur de moi que je trouve les jaillissements du mouvement. Cela se fait de manière inconsciente, comme quelque chose qui s’échappe du corps. »

On suit les étapes de cette fabrique du geste patiente et passionnée

Au travail, Angelin Preljocaj se glisse au milieu de sa troupe, discute, fouille le thème, en retourne les couches pour faire advenir le geste. « Au début, je suis dans un état où je ne sais plus rien, confie-t-il. Il faut tout recommencer et surtout faire des choses que je ne sais pas faire. » La page blanche va peu à peu s’écrire et se transmettre aux danseurs. « On se détend pour parler de la gravité, dit-il en rassemblant le groupe. Ce thème contient de l’abstraction mais il évoque aussi des états de corps. »

Quelques jours plus tard, il pointe « le travail musculaire, physique, celui de résistance de l’air qui va donner l’impression de gravité. » Au Pavillon Noir, roc massif et beau conçu par l’architecte Rudy Ricciotti, Preljocaj, qui a créé sa compagnie en 1984, travaille dans le studio Karin-Waehner (1926-1999), danseuse et chorégraphe allemande qui est l’une des figures de son parcours.

Transmission de la danse

Tiraillé entre spectacles narratifs comme Blanche Neige (2008), sur une musique de Prokofiev, et manifestes d’écriture façon Empty Moves (2004-2014), sur du John Cage, le
trajet artistique de Preljocaj se décline dans ce portrait-documentaire au gré d’images d’archives, de spectacles et de commentaires de personnalités. Aurélie Dupont, directrice de la danse à l’Opéra national de Paris, le couturier Jean-Paul Gaultier ou le dessinateur
Enki Bilal donnent leurs points de vue ainsi que les chorégraphes Kaori Ito et Sylvain Groud, complices de premier plan d’Angelin Preljocaj. La choréologue Dany Lévêque, collaboratrice depuis vingt-cinq ans, souligne combien la transmission de la danse tient au cœur du chorégraphe.

Angelin Preljocaj a 10 ans lorsqu’il prend son premier cours de classique tout en pratiquant le judo. Il suit l’enseignement de Waehner à l’adolescence avant de partir en 1980, comme nombre de chorégraphes de l’époque, à New York, dans les studios du maître de l’abstraction Merce Cunningham (1909-2009). Il plonge dans l’effervescence de la Grosse Pomme. Il cite parmi ses influences le cinéma, le burlesque et les comédies musicales dont Gravité, en particulier dans le dernier tableau du Boléro, porte l’empreinte.

Lire l’enquête (en 2015) : Angelin Preljocaj danse avec les mots

Sur la musique de Maurice Ravel, lors de cette longue séquence finale, les interprètes en cercle font palpiter un vivant kaléidoscope qui rappelle que l’abstraction chorégraphique est matière bien concrète, comme le soulignait Cunningham, sensuelle même, au diapason des intensités multiples des corps en action.

France 5 / Influences Angelin Preljocaj
Durée : 01:30

Angelin Preljocaj, danser l’invisible, de Florence Platarets (Fr., 2019, 50 min), dans le cadre de « Passage des arts », présenté par Claire Chazal. www.france.tv/france-5/passage-des-arts/