Il est en train de devenir le plus grand défi sanitaire du XXIe siècle. Le changement climatique, avec son lot de vagues de chaleur, d’inondations ou de sécheresses extrêmes, affecte d’ores et déjà la vie et la santé des humains, aggravant la mortalité et la morbidité aux quatre coins du monde. Autrefois perçus comme une menace lointaine ou incertaine, ces effets sont désormais documentés et confirmés par les récentes catastrophes, telles que le dévastateur cyclone Idai qui a tué plus de 1 000 personnes au Mozambique et au Zimbabwe mi-mars et a entraîné une épidémie de choléra.

Au centre de santé de Beira, au Mozambique, le 26 Mars 2019. / Mike Hutchings / REUTERS

Cet enjeu est au cœur de la conférence mondiale « Santé et changements climatiques. Soigner une humanité à + 2° », organisée par la Croix-Rouge française à Cannes, les 15 et 16 avril, à l’occasion des 100 ans de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), et dont Le Monde est partenaire.

Le changement climatique a déjà provoqué un accroissement du nombre de vagues de chaleur – la température mondiale a augmenté de 1 °C depuis le début de l’ère préindustrielle. En 2017, 157 millions de personnes supplémentaires ont été exposées à des événements caniculaires comparé à l’année 2000, selon la dernière édition du « compte à rebours sur la santé et le changement climatique » du Lancet, revue médicale britannique de référence.

Ainsi, les populations vulnérables, notamment les adultes de plus de 65 ans, sont exposées au stress thermique, ce qui augmente leur risque de développer des maladies cardio-vasculaires et rénales. Le phénomène a été particulièrement observé en Europe – 70 000 personnes ont succombé à la canicule en 2003 – et en Méditerranée orientale, probablement en raison d’une population plus âgée vivant en zone urbaine. Ces chaleurs extrêmes ont entraîné la perte de 153 milliards d’heures de travail en 2017 dans le monde, dont 80 % dans le secteur agricole. Une baisse de revenus qui affecte encore davantage, indirectement, la santé des plus fragiles.

« Niveau de risque inadmissible »

Le réchauffement provoque également une recrudescence des allergies. « La hausse des températures favorise la diffusion de végétaux allergènes, comme l’ambroisie ou le bouleau en Europe, précise Sophie Godin-Beekmann, directrice de recherche au CNRS. Les allergies sont plus fortes dans les villes polluées car les gens sont plus fragilisés. »

Le réchauffement pourrait entraîner 250 000 morts supplémentaires chaque année entre 2030 et 2050, selon l’Organisation mondiale de la santé


Plus largement, les aléas climatiques touchent actuellement 27 attributs de la santé humaine (mortalité, morbidité, blessures, malnutrition ou encore espérance de vie), selon une large recension parue dans Nature Climate Change en novembre 2018.

Les inondations, les incendies ou les tempêtes entraînent des noyades, des asphyxies, des famines et la recrudescence d’épidémies, telles que le paludisme, la dengue, le choléra ou des diarrhées. Les risques climatiques altèrent également la santé mentale : des dépressions et des stress post-traumatiques ont été recensés après des tempêtes aux Etats-Unis, comme l’ouragan Katrina qui a dévasté la Nouvelle-Orléans en 2005.

« Les tendances actuelles en matière d’impacts, d’expositions et de vulnérabilité face aux changements climatiques font apparaître un niveau de risque inadmissible pesant sur la santé actuelle et future des populations du monde entier », alerte Hilary Graham, professeure en sciences de la santé à l’université de York (Royaume-Uni).

Alors que le monde se dirige vers un réchauffement de plus de 3 °C d’ici à la fin du siècle, le changement climatique va-t-il se transformer en fléau de santé publique dans les prochaines décennies ? Il pourrait entraîner 250 000 morts supplémentaires chaque année entre 2030 et 2050, selon l’Organisation mondiale de la santé.

« Investissements insuffisants »

Une « projection très conservatrice » car elle ne « tient pas compte de toutes les conséquences du changement climatique, prévient Andy Haines, qui enseigne les changements environnementaux et la santé publique à la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Une autre étude prévoit, par exemple, que 530 000 adultes de plus mourront chaque année à la suite de la baisse de la disponibilité alimentaire d’ici à 2050, en particulier des fruits et légumes. » La Banque mondiale, elle, estime que si nous ne parvenons pas à infléchir le réchauffement, l’extrême pauvreté frappera 100 millions de personnes supplémentaires en 2030.

Malgré une menace qui se dessine de plus en plus nettement, les systèmes de santé ne sont pas suffisamment adaptés. Dans plus de la moitié des 478 villes ayant participé à l’étude publiée dans The Lancet, on s’attend à ce que le changement climatique compromette sérieusement les infrastructures de santé, soit directement, en raison d’inondations ou de tempêtes qui les rendraient inopérantes, soit indirectement, en augmentant le nombre de patients à traiter.

Le secteur de la santé représente moins de 5 % des dépenses consacrées aux mesures d’adaptation au réchauffement

Pourtant, seulement 22 % des hôpitaux et 20 % des centres de soins ont mis en place des plans pour répondre à ce défi, selon l’enquête. Par ailleurs, le secteur de la santé représente moins de 5 % des dépenses consacrées aux mesures d’adaptation au réchauffement. « Ces investissements sont particulièrement insuffisants dans les pays en développement, où les systèmes de santé sont déjà fragiles et fragmentés », précise Andy Haines.

Au-delà de la mise en place d’un système de santé résilient et de la formation des personnels à ces nouveaux enjeux, scientifiques, climatologues comme épidémiologistes, appellent à une « transition urgente vers une économie neutre en carbone ». La réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’énergie, les transports ou l’agriculture bénéficierait à la santé humaine, en ralentissant le changement climatique et l’érosion de la biodiversité. Hilary Graham l’assure :

« Il est clair que la nature et l’ampleur de la réponse au changement climatique seront déterminantes pour la santé des nations dans les siècles à venir. »

Conférence mondiale de la Croix-Rouge les 15 et 16 avril

La Croix-Rouge française organise la conférence « Santé et changements climatiques. Soigner une humanité à +2°C », auThéâtre Croisette de Cannes.

Voir le programme complet, la liste des intervenants et s’inscrire sur Worldconference.croix-rouge.fr

Lundi 15 avril

9 h 30 - 11 h 30 Messages d’ouverture

11 h 30 - 12 h 30 Etat des connaissances santé-climat

14 heures - 16 heures Sessions thématiques (au choix)

> Réduire les risques sanitaires liés aux catastrophes

> S’adapter aux vagues de chaleur en milieu urbain

> Prévenir les risques épidémiques

> Santé mentale

14 heures - 16 heures Commission des générations futures

16 h 30 - 17 h 30 REDx : projets innovants

Mardi 16 avril

9 heures - 10 heures Favoriser l’accès à la couverture sanitaire universelle

10 h 30 - 12 h 30 Sessions thématiques (au choix)

> Répondre aux enjeux sanitaires des mouvements de populations

> Besoins de santé, conflit et changements climatiques

> Lutter contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition

> Protéger les écosystèmes pour promouvoir la santé

10 h 30 - 12 h 30 Commission des générations futures

14 heures - 14 h 30 REDx : projets innovants

14 h 30 - 15 h 30 Mieux financer les actions climat-santé

15 h 30 - 16 h 30 Communiquer pour changer la donne

16 h 30 - 17 heures Conclusion et engagements

Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la Croix-Rouge.