Image tirée de la minisérie « Fosse/Verdon », de Lin-Manuel Miranda. / FOX / PARI DUKOVIC

Canal+ Séries, dimanche 14 avril à 21 heures, série

Le domaine de la comédie musicale nord-américaine a connu deux légendaires chorégraphes : Jerome Robbins (1918-1998) et Bob Fosse (1927-1987). L’un et l’autre ont ceci en commun, qui les place hors du commun : ils étaient aussi metteurs en scène. Bob Fosse a même réalisé des films non chorégraphiques, contrairement à son éminent confrère – qui n’a que cosigné, avec Robert Wise, le film West Side Story (1961).

Lenny (1974) est le « biopic » du comique controversé Lenny Bruce, avec Dustin Hoffman ; Star 80 (1983) évoque la destinée tragique de Dorothy Stratten, playmate de Playboy devenue actrice, assassinée par son mari, dont elle se séparait, alors qu’elle partageait depuis peu la vie du réalisateur Peter Bogdanovich.

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Mais, évidemment, le nom de Fosse est avant tout lié à des comédies musicales légendaires, au vocabulaire chorégraphique singulier, mêlant burlesque et érotisme : sur scène, on rappellera Chicago (1975), l’un des succès indéboulonnables de Broadway ; au cinéma, Cabaret (1972), long-métrage qui consacra Liza Minnelli.

Perfectionniste maniaque, travailleur compulsif, alcoolique, toxicomane, fumeur de cigarettes à la chaîne, insatiable fornicateur trompant épouses et maîtresses, Bob Fosse, mort d’une crise cardiaque en 1987 (à 60 ans), avait tous les traits d’un personnage de film biographique. Ce qu’il devint avec All That Jazz (« Que le spectacle commence », 1979), dont il signa le scénario et la mise en scène.

Le film, Palme d’Or à Cannes en 1980, est un autoportrait « fiable à 100 % sur quelque 70 % de ce qu’était Fosse », selon Sam Wasson, auteur de la biographie de référence Fosse (HMH, 2013, non traduite), qui a servi de source principale au nouveau biopic fossien, une minisérie axée sur la relation avec sa troisième épouse, la danseuse et actrice Gwen Verdon (1925-2000).

Le rôle-titre surjoué

Cette relation sentimentale dura de leur rencontre, en 1955, à leur séparation, en 1971, même si Verdon et Fosse ne divorcèrent jamais et continuèrent d’avoir des rapports affectifs et professionnels féconds. C’est d’ailleurs dans les bras de Verdon que Fosse s’effondra, en 1987, victime d’une nouvelle crise cardiaque, cette fois fatale.

Les cinq épisodes que nous avons pu visionner sont une reconstitution crédible et soignée de la collaboration entre Fosse et Verdon

Les cinq épisodes que nous avons pu visionner sont une reconstitution crédible et soignée de l’époque de création collaborative entre Fosse et Verdon, qui déborde constamment le cadre chronologique pour se balader, de manière parfois irritante, entre des époques qu’on situe au postiche plus ou moins dégarni que porte Sam Rockwell, qui interprète Fosse – dans le film, Fosse avait choisi un interprète chevelu, Roy Scheider.

Le principe de zigzag temporel était déjà présent dans All That Jazz, dont le montage nerveux – on oserait presque dire hystérique – ne sert pas non plus un film dont la réputation a décidément outrepassé la réelle valeur. On constatera aussi que beaucoup de détails de réalisation rapprochent la série du film.

La façon dont Sam Rockwell est excessivement grimé lui fait davantage ressembler à l’acteur Christian Bale contrefaisant Fosse qu’à Fosse lui-même. Et son surjeu détonne d’autant plus que sa partenaire, Michelle Williams, est d’une finesse parfaite – comme elle l’était, dans un autre rôle bouleversant d’épouse humiliée, dans Le Secret de Brokeback Mountain (2005), de Ang Lee.

Fosse/Verdon - Bande annonce - CANAL+
Durée : 01:50

Fosse/Verdon, minisérie créée par Lin-Manuel Miranda, Thomas Kail, Steven Levenson. Avec Sam Rockwell et Michelle Williams (US., 2019, 8 x 50 min).