Marc Dal Maso, en octobre 2016, lors d’un match de Toulon à La Rochelle. / XAVIER LEOTY / AFP

Marc Dal Maso s’apprête à quitter « la plus belle plage du monde », celle de Capbreton, dans ses Landes natales. A compter du lundi 15 avril, il aura de nouveau le droit de reprendre son métier au Rugby club toulonnais (RCT), entraîneur adjoint chargé de la mêlée. « J’en ai besoin », affirmait-il au Monde dès le mois de janvier. « Un malade – puisque je suis malade – a besoin de vivre autour des gens qui ne le sont pas. Besoin de rapports humains avec des gens’normaux’. » A 52 ans, l’ancien talonneur du XV de France se bat contre la maladie de Parkinson, diagnostiquée il y a sept ans déjà.

Avec huit mois de retard, le Landais commence enfin sa troisième saison à Toulon. La plus compliquée de toutes : tout en continuant de le rémunérer, le club varois l’a tenu à l’écart jusqu’à ce que la médecine du travail le déclare de nouveau apte – celle-ci avait rendu un premier avis favorable en octobre 2018, mais le RCT l’avait contesté. L’entraîneur principal s’appelle maintenant Patrice Collazo, lui-même spécialiste de la mêlée, et non plus Fabien Galthié.

« Comme si tu allumes un feu

En janvier, Marc Dal Maso donnait rendez-vous au Monde dans un restaurant de Bayonne. Celui de l’Aviron bayonnais, club où il n’a jamais joué ni entraîné, à une vingtaine de minutes en voiture de Capbreton. L’ancien rugbyman conduit encore, comme tout le monde. Il marche aussi. Joue au tennis, à l’occasion, pour le plaisir. Toujours avec l’envie de tenir tête. « Un malade qui se promène dans la rue, si tu n’as pas l’impression qu’il est malade, ça va. Mais si un malade ressemble à un malade, là… »

L’ex-joueur d’Agen, Colomiers ou Perpignan estime, malgré tout, qu’il « a de la chance ». Il se considère comme « un privilégié » – façon de parler. « Parce que la maladie évolue peut-être plus doucement que prévu. Je n’ai pas trop changé physiquement. Quand j’aurai changé, je vais le payer cash. » Sous-entendu : dans le regard de ses vis-à-vis.

Un rappel important rythme déjà les jours et les nuits. Une montre qui fait « bip » : au moins douze cachets à prendre par jour, compte-t-il de tête, pour rester maître de ses mouvements. « Cela se fait naturellement. C’est comme si tu allumes un feu, il doit être à 150 %, et si jamais tu loupes une bûche… » Fin du raisonnement : le corps s’éteint peu à peu.

De sa vie quotidienne, le quinquagénaire tire une exigence. Faire bonne figure en toutes circonstances. « Nous, on n’a pas le droit d’être enrhumé, fatigué… Il faut être tout le temps en forme, au taquet. Sinon, les gens te regardent différemment. Une fois j’étais un peu grippé, les gens te regardent encore plus. »

« J’ai besoin d’avoir des gens qui savent ce que j’ai »

Marc Dal Maso a longtemps attendu avant de révéler sa maladie. Jusqu’à décembre 2015 et un entretien à La Dépêche du Midi et à Midi Olympique, soit trois ans après le diagnostic. Soit, également, un mois après la fin de la Coupe du monde en Angleterre : une compétition qu’il a vécue dans le survêtement d’entraîneur adjoint du Japon, l’équipe surprise du tournoi, malgré une élimination au premier tour. « Au Japon, personne ne me connaissait. Et mon traitement n’était pas très lourd. »

L’ancien international tricolore a enseigné pendant deux ans sa science de la mêlée à la sélection japonaise (2013-2015). Manière de s’éloigner de la France, de mieux appréhender la maladie. « Pour comprendre que ce n’est pas de ta faute, il te faut du temps. Au début tu penses que c’est un peu de ta faute. Malgré tout, tu as un peu honte. » A plus forte raison quand certains membres du premier cercle semblent aussi avoir du mal à admettre la réalité. « Au départ, l’un de mes frères n’acceptait pas que son petit frère puisse avoir ça. »

Ce même frère a également reproché à l’ancien joueur d’avoir rendu public son mal : « Je lui ai répondu :’’Tu sais, déjà que, quand je me lève le matin, c’est pas facile, si en plus je dois subir tes critiques’’. J’ai besoin d’avoir des gens qui savent ce que j’ai. » De retour en France, il fallait parler : « Il y avait beaucoup de choses qui se disaient. » Des rumeurs, à tort, évoquaient à son sujet un accident cardio-vasculaire.

Retenter une opération

Jusque-là, Marc Dal Maso avait seulement confié son état de santé à un ancien joueur : le troisième ligne Patrick Tabacco. Depuis, les manifestations de soutien restent plutôt discrètes. « Je crois que le monde du rugby est assez timide par rapport à cette maladie », euphémise-t-il. Avant de passer à la deuxième personne du singulier pour résumer le sentiment général : « En réalité, t’as la trouille. La trouille de l’avoir. »

Fin 2015, dans sa première prise de parole, l’entraîneur confiait déjà ses interrogations sur les causes de la pathologie : « Je ne sais pas exactement comment cela est arrivé, si ce sont les coups ou les protéines qui sont dans le corps. » Aujourd’hui, il récuse l’idée que le rugby ait eu une incidence. « C’est plus génétique qu’autre chose, estime ce membre d’une fratrie de six enfants. Le cerveau est compliqué. »

Sans se lamenter sur son sort, Marc Dal Maso insiste : « Il ne faut pas nous plaindre, on a une vie à vivre. Celle-là. » Dans ses souffrances, il a parfois trouvé des motifs d’espérance. « Je pense que si je n’avais pas cette maladie, jamais je ne serais allé au Japon. » C’est aussi là que débutera, en septembre, la prochaine édition de la Coupe du monde.

Sous contrat à Toulon jusqu’au mois de juin, Dal Maso se verrait bien retourner en Asie cet automne. Pour y retrouver Eddie Jones, désormais sélectionneur de l’Angleterre, après avoir été celui du Japon. Mais l’homme a surtout une autre priorité. Il y a bientôt un an, en juin 2018, il avait choisi l’intersaison pour se faire poser des électrodes au cerveau. Vite retirées, deux mois plus tard, pour cause de complications. L’intéressé projette de retenter un jour cette lourde opération qui, il l’espère, lui permettrait de réduire son recours aux médicaments.