L’industriel indien Anil Ambani, en septembre 2012. / Danish Siddiqui / REUTERS

Le Parti du Congrès n’a pas perdu de temps. Trois heures à peine après la publication des révélations du Monde sur l’effacement, par la France, de 143,7 millions d’euros de dettes fiscales à un industriel indien associé à Dassault, au moment où se négociait la vente des 36 Rafale en 2015, le parti d’opposition a organisé une conférence de presse, samedi 13 avril à la mi-journée.

Au troisième jour d’une période électorale en Inde qui va se terminer le 19 mai, l’article s’est retrouvé au cœur d’une tempête politique. Le porte-parole du Parti du Congrès, Randeep Singh Surjewala, a brandi une photocopie devant les caméras : « Tous ceux qui ont la bénédiction de Modi [le premier ministre indien] peuvent obtenir ce qu’ils veulent. Quand Modi est là, tout est possible ». Un journaliste présent sur place lui a demandé si les médias français ne colportaient pas des fausses nouvelles pour écorner l’image de M. Modi.

Le Parti du Congrès accuse depuis des mois M. Modi d’avoir favorisé Anil Ambani, partenaire en Inde de l’avionneur français Dassault, dans le contrat des 36 Rafale vendus en septembre 2016 pour 7,9 milliards d’euros. Samedi, Rahul Gandhi, le président du parti, a répété lors d’un meeting électoral que le dirigeant indien avait « volé 300 milliards de roupies (3,8 milliards d’euros) pour le donner à son ami voleur », ajoutant que M. Modi était entouré d’un « groupe d’amis voleurs ». Narendra Modi est accusé depuis des mois par l’opposition de n’être qu’un « intermédiaire » d’Anil Ambani. Puis le parti communiste est rentré à son tour dans la polémique. « Alors que ce gouvernement refuse d’effacer les dettes des paysans et des étudiants qui sont dans une condition déplorable et se suicident, il facilite l’effacement des dettes pour les grandes entreprises », a réagi D. Raja, l’un de ses dirigeants.

Les partisans de Modi dans l’embarras

Les partisans de M. Modi, pourtant si prompts à réagir et à lancer des offensives sur les médias sociaux, étaient dans l’embarras. Fallait-il attaquer ? Cela aurait été reconnaître l’implication de M. Modi dans une affaire qui ne concerne directement que l’Etat français, Dassault et Anil Ambani. Quelques utilisateurs sur les médias sociaux ont cependant accusé Le Monde d’avoir été « acheté » par le Parti du Congrès. Plus surprenante fût la réaction du ministère indien de la défense. Ce dernier a publié un communiqué, samedi en début d’après-midi, dans lequel il explique que « tout lien établi entre un problème fiscal et le sujet des Rafale est une tentative de désinformation entièrement, tendancieuse, malveillante et inexacte ». Ce qui a conduit le quotidien The Telegraph à s’étonner de ce « curieux communiqué », dans la mesure où « personne n’a accusé le ministère de la défense de quoi que ce soit ».

Le porte-parole du Parti du Congrès a saisi la balle au bond en expliquant que le ministère indien de la défense était devenu le « porte-parole officiel des grandes entreprises ». La star des réseaux sociaux Dhruv Rathee, suivie par 1,8 million d’abonnés sur Youtube, a consacré une vidéo à cette affaire.

De son côté, le groupe Reliance Communications a publié samedi un communiqué dans lequel il explique que les impôts réclamés par l’administration fiscale française étaient « insoutenables et illégaux » et a contesté tout favoritisme dans l’accord fiscal dont il a bénéficié. M. Modi n’a pas réagi aux révélations du Monde. Lors d’un déplacement samedi dans le Karnataka, Il a qualifié le gouvernement de cet Etat du sud de l’Inde dont le Congrès fait partie, de « gouvernement de la commission 20 à 30 % », en faisant référence à la pratique des pots-de-vin.