Jair Bolsonaro, le 9 avril, au palais présidentiel, à Brasilia. / Eraldo Peres / AP

Tentant de justifier l’injustifiable, ses proches évoquent l’impulsivité du président, les autres parlent plus cruellement de son ignorance. Samedi 13 avril, Jair Bolsonaro s’est évertué, en vain, à éteindre une nouvelle polémique déclenchée par sa parole éruptive et inconséquente. Après avoir attaqué les homosexuels, les femmes, les Noirs, après avoir fait l’éloge des tortionnaires et encensé la dictature militaire (1964-1985), l’ancien capitaine de l’armée a dérapé au sujet de la Shoah. Le chef d’Etat brésilien s’est laissé aller, jeudi, à affirmer, devant un parterre de pasteurs évangéliques, que « l’on pouvait pardonner, mais pas oublier », la Shoah.

Le propos a provoqué l’ire d’Israël, pays avec lequel Jair Bolsonaro prétend se rapprocher. « Nous nous opposerons toujours à ceux qui nient la vérité ou souhaitent effacer notre mémoire, qu’il s’agisse d’individus, de groupes, de chefs de partis ou de premiers ministres », a réagi samedi sur Twitter, le président de l’Etat hébreu, Réouven Rivlin. Ajoutant : « Le peuple juif combattra toujours l’antisémitisme et la xénophobie. Les dirigeants politiques doivent dessiner le futur. Les historiens décrivent le passé (…). Aucun des deux ne devrait s’égarer sur le territoire de l’autre. » Le centre Yad Vashem, dédié à la mémoire des six millions de victimes de la Shoah, a aussi fait état de son désaccord avec le président brésilien.

Mauvaises intentions de ses ennemis

Confus et comme étonné de l’émoi suscité par son dérapage, Jair Bolsonaro s’est fendu samedi d’une lettre adressée au peuple juif. Dans sa missive, le chef de l’extrême droite brésilienne rappelle le mot qu’il avait laissé sur le livre du mémorial de la Shoah lors de sa visite à Jérusalem début avril : « Celui qui oublie son passé est condamné à ne pas avoir d’avenir. » Le chef d’Etat confesse aussi que « le pardon est quelque chose de personnel ». Mais loin de s’excuser, il se dédouane, attribuant le trouble à de prétendues mauvaises intentions venant de ses ennemis, « ceux qui veulent m’éloigner de mes amis juifs », écrit-il.

L’épisode s’ajoute à une précédente controverse déclenchée peu de temps après la visite de Jair Bolsonaro au mur des Lamentations. Le président avait alors conforté son ministre des relations extérieures, Ernesto Araujo, affirmant n’avoir « aucun doute » sur le fait que « le nazisme est de gauche ».

« Jair Bolsonaro est un président impulsif et incontrôlable. Avec ce propos sans doute pas planifié sur la Shoah, il démontre une fois de plus qu’il n’a aucune notion ni compréhension de faits historiques à même de susciter des crises diplomatiques. C’est inquiétant et dangereux pour les relations entre le Brésil et le reste du monde », estime Oliver Stuenkel, professeur de relations internationales à la fondation Getulio Vargas à Sao Paulo, redoutant que le président brésilien soit peu à peu considéré comme un allié « toxique » pour les démocraties occidentales.