Arte, mardi 16 avril à 20 h 50, documentaire

L’Europe n’en a pas fini avec le Brexit. L’interminable feuilleton à rebondissements a déjà repoussé à plusieurs reprises la date de sortie effective de l’Union européenne (UE) du Royaume-Uni. Ce devait être le 29 mars ? Trop juste. Le 12 avril ? Raté. Le 23 mai ? Pourquoi pas ? Mais il faudra peut-être patienter jusqu’au 31 octobre, date limite fixée mercredi 10 avril par les vingt-huit dirigeants de l’Union, Theresa May (première ministre britannique) comprise, pour que ce Brexit grand-guignolesque devienne réalité.

En attendant une issue à ce grand divorce plus compliqué que prévu, un personnage occupe une place centrale au milieu de ce chaos, et semble tenir le cap. Son job ? Négociateur en chef de l’Union européenne. Un travail d’une complexité folle, tant les dossiers sensibles sont nombreux, les mauvaises volontés palpables, les intérêts parfois divergents. Cet homme, c’est le Savoyard Michel Barnier (Les Républicains), qui est, de fait, au cœur de ce passionnant documentaire signé du Belge Alain de Halleux.

Michel Barnier : « Le Brexit est une affaire très grave qui nous oblige à détricoter quarante-quatre ans de relations »

Ce dernier a obtenu l’accès à des zones habituellement interdites aux caméras : réunions techniques restreintes, coulisses des sommets européens, cinquième étage ultra-sécurisé du Berlaymont, siège de la Comission européenne à Bruxelles, où Michel Barnier et son équipe de choc, composée d’une cinquantaine de fonctionnaires de haut niveau, travaillent comme des forcenés sur un accord de sortie du Royaume-Uni. Un boulot qui rend les nuits aussi fatigantes que les jours, épuisant mais visiblement passionnant.

Comment Michel Barnier et ses troupes travaillent-ils concrètement avec leurs homologues britanniques depuis de longs mois ? C’est ce que le documentaire nous fait découvrir. « Le Brexit est une affaire très grave qui nous oblige à détricoter quarante-quatre ans de relations », résume le Français. Comme le rappelle plus prosaïquement un autre témoin : « Les Britanniques quittent 750 accords internationaux ! » En novembre 2018, l’équipe de Barnier publiait un traité de retrait monumental : 583 pages et 185 articles !

Nuits blanches et agacements

Le mérite de ce documentaire est d’avoir pu suivre au plus près les interventions de cette task force, au gré des négociations âpres, des réunions fiévreuses, des nuits blanches, des inquiétudes non dissimulées et des agacements perceptibles. A Bruxelles, bien sûr, où siègent les instances de l’UE, mais aussi à Sofia, à Derry, deuxième ville d’Irlande du Nord, en passant par Salzbourg et Copenhague.

Grâce à son accès privilégié, Alain de Halleux fait vivre ces négociations comme un thriller. Face caméra, Michel Barnier ne cache rien de ses sentiments. Parfois soucieux, agacé, dur en affaires, car sa mission est aussi d’éviter que le Brexit ne fasse tache d’huile et que l’UE ne se détricote. Pas facile lorsqu’on a devant soi un négociateur comme l’europhobe britannique David Davis…

Entre la libre circulation des citoyens, les questions d’argent, les traités commerciaux à revoir, les dossiers épineux ne manquent pas. Mais c’est bien le risque d’une nouvelle frontière « en dur » sur le sol irlandais qui paraît bloquer le dossier du Brexit. Très inquiet sur ce sujet, Michel Barnier, que l’on suit en visite à Derry, estime que la question de cette frontière irlandaise est un problème majeur, alors que David Davis, qui a quitté ses fonctions de secrétaire d’Etat à la sortie de l’UE du Royaume-Uni le 8 juillet 2018, n’y voyait, lui, qu’un problème « technique ». Le feuilleton continue.

Brexit, the clock is ticking, d’Alain de Halleux (Bel., 2019, 93 min). www.arte.tv/fr/videos/078746-000-A/brexit-the-clock-is-ticking