Les objets sauvés de l’incendie et entreposés dans la salle Saint-Jean de l’Hôtel de ville de Paris, le 16 avril, avant leur départ pour les réserves du Louvre / Henri Garat / AP

Une statue emmaillotée telle une momie dans une bâche en plastique fermée par un large ruban adhésif, deux fauteuils habillés de velours rouge, deux prie-Dieu, des croix, des candélabres, chandeliers et bougeoirs en métal doré, des tableaux de grande taille et d’autres plus petits emballés à la va-vite… Déposés sur un morceau de moquette dans un coin de la salle Saint-Jean, espace de la mairie de Paris utilisé d’ordinaire pour des expositions, ces objets ont été sauvés, dans la soirée du lundi 15 avril, de l’incendie qui a ravagé Notre-Dame de Paris.

Un maigre butin, se dit-on, comparé au nombre d’œuvres précieuses – tableaux, notamment les treize mays, toiles de grande taille à sujet religieux, sculptures, objets sacrés – que renferme la cathédrale. « Un miracle plutôt », corrige Christophe Girard, adjoint à la mairie de Paris pour la culture, venu constater en compagnie de quelques journalistes la mise à l’abri des objets qu’il évalue un peu généreusement à « une centaine de pièces ». L’examen se fait dans un silence religieux, comme si l’on rendait visite à un grand malade. Il est interdit de s’approcher des pièces, gardées par deux employés de la Mairie de Paris chargés de la sécurité.

« Compte tenu de l’ampleur de l’incendie et de la force de l’eau, on aurait pu ne rien sauver », dit l’adjoint d’Anne Hidalgo, se félicitant que le trésor de Notre-Dame – la sainte Couronne d’épines, la tunique de Saint Louis, le morceau de croix et le clou de la Passion – ait pu être sauvé. L’ensemble se trouve dans un coffre « dans un endroit tenu secret » de l’Hôtel de ville. Toutes ces reliques, œuvres et objets ont été transportés dans les réserves du musée du Louvre dans la soirée de mardi, a précisé le régisseur du patrimoine de Notre-Dame, Laurent Prades, sur Europe 1.

Pas de détails sur le chœur

C’est dès 19 heures, quelques minutes après que l’incendie se fut déclaré, qu’une cellule de crise s’est mise en place à la Mairie de Paris pour, en relation avec les pompiers et sous la conduite d’agents du ministère de la culture, commencer à évacuer les œuvres les plus sensibles ou les plus accessibles. « Tout ce qui pouvait être bougé a été bougé », déclare Karen Taïeb, adjointe à la Mairie chargée du patrimoine. Trois camions ont été mobilisés pour transférer les pièces de la cathédrale vers la Mairie de Paris, deux lieux distants d’à peine 500 mètres mais dont les accès étaient rendus difficiles compte tenu de la foule venue voir l’incendie et des barrages de sécurité installés par la police. Trois heures après avoir quitté le chœur et la nef de la cathédrale en flammes, les œuvres repérées étaient mises en sécurité.

Quant aux autres qui n’ont pu être déplacées, difficile pour le moment de savoir précisément si elles ont été ou non endommagées.

« Les pompiers sont encore sur place, c’est trop tôt, aucune visite détaillée n’est envisageable actuellement. Il y a forcément des dégradations, avec la chaleur due à l’incendie puis l’eau qui dégouline de partout, répond Christophe Girard. L’autel principal semble dans un état encourageant, nous a dit Mgr Patrick Chauvet, le recteur de Notre-Dame. Mais nous n’avons pas de détails sur le chœur. »

La richesse de ce dernier est constituée par les stalles, sièges en bois sculpté dont les dossiers portent des scènes de la vie de la Vierge et des allégories, qui ont été gonflées d’eau, a précisé Laurent Prades. Deux chaires complètent l’ensemble le plus important de sculptures sur bois du XVIIIe siècle encore en place aujourd’hui.

Le ministre de la culture, Franck Riester, a annoncé mardi que les mays, endommagés par les fumées, seraient transportés au Louvre avant la fin de la semaine pour être « déshumidifiés et restaurés ». Le grand orgue, qui avait été remis à neuf en 2014, n’aurait pas souffert des quantités d’eau déversées pour éteindre les flammes, a avancé le régisseur du patrimoine, mais il a été recouvert de poussière et de suie. Surprise, le coq qui coiffait la flèche et qu’on croyait perdu a été retrouvé, cabossé, mais sans les reliques qu’il était supposé recéler.

Enfin, si certains vitraux ont été gravement endommagés, explosant sous la chaleur, les rosaces, mesurant jusqu’à treize mètres de diamètre, auraient résisté, selon Mgr Chauvet. Un démontage temporaire sera cependant à envisager en raison du plomb liant le verre qui peut avoir fondu, fragilisant l’ensemble. Faute de retrouver rapidement sa flèche, Notre-Dame devrait sans trop tarder offrir à nouveau aux regards ces chefs-d’œuvre des XIIe et XIIIe siècles.

Les inquiétudes de Franck Riester

Une épée de Damocles est toujours en suspens sur Notre-Dame, selon le ministre de la culture Franck Riester, qui a affirmé mardi 16 avril sur RTL, que des points de l’édifice semblaient montrer d’inquiétants signes de faiblesse : « Oui, je suis toujours inquiet sur deux parties de Notre-Dame. Le pignon du transept nord [partie dans laquelle est venue se ficher l’extrémité de la flèche en flamme] qui risque de s’effondrer sur la rue du Cloître ; et une deuxième partie sur la tour sud à l’intérieur qui risque, en s’effondrant, d’entraîner le pignon central triangulaire qui est entre les deux tours. » Le ministre pense que « dans les 24 à 48 heures on aura sécurisé [ces deux points délicats] ».

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