L’orgue de tribune de Notre-Dame de Paris, en février 2004. / STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Arte, mercredi 17 avril, à 22 h 50, documentaire

Relativement épargné par l’incendie qui a touché la cathédrale lundi 15 avril, l’orgue de la cathédrale Notre-Dame de Paris est un monstre qui tonne depuis des siècles, perché sur la tribune de pierre au-dessus du grand portail ouest de l’édifice. Il est l’objet d’un culte particulier de la part des organistes du monde entier, qui se damneraient pour y jouer (gratuitement) lors des auditions du dimanche.

C’est à la fois à une visite guidée de cet instrument et à un portrait de l’un de ses organistes titulaires en exercice, Olivier Latry, qu’invite le documentaire Dans le ventre de l’orgue de Notre-Dame, d’Isabelle Julien, qui mêle habilement séquences pédagogiques (tournées dans les « entrailles » de l’instrument), films d’archives et pauses musicales interprétées par Latry.

Olivier Latry at the organ at the Cathedral of Notre Dame
Durée : 09:57

L’orgue de tribune (Notre-Dame possède également un orgue plus petit, dit « de chœur »), dont le premier état remonte au début du XVe siècle, échappe au vandalisme de la Révolution, sûrement parce que son titulaire d’alors, Claude Balbastre, avait fait allégeance aux idées révolutionnaires et improvisait des variations sur La Marseillaise à Notre-Dame, rebaptisée, si l’on ose dire, « temple de la raison ».

Le vénérable instrument est repris entièrement par le grand facteur d’orgue Aristide Cavaillé-Coll, en 1868, sous la supervision d’Eugène Viollet-le-Duc ; Louis Vierne, titulaire de 1900 à 1937, que Latry surnomme « le Molière de l’orgue » (il s’effondrera, victime d’une embolie cardiaque, sur sa console alors qu’il y donne un concert, le 2 juin 1937), le modifie à son tour ; Pierre Cochereau, qui y joue de 1955 à 1984, l’augmente et le modernise de 1963 à 1975.

En 1992, l’instrument fait l’objet d’une restauration complète qui tâche de préserver ses acquis les plus anciens (on trouve ainsi encore des jeux baroques et mêmes quelques traces de l’époque médiévale). On remplace la console (claviers et jeux), qui ressemblait à la réception d’un hôtel cossu de province, et l’on équipe progressivement l’instrument d’outils numériques.

Une solide formation

Le documentaire montre l’instrument jouer seul alors qu’Olivier Latry écoute, en bas, dans la nef, ce qu’il vient d’enregistrer : ce procédé de « replay » permet à l’organiste de se rendre compte de l’adéquation de ses tempos avec l’acoustique et du plein effet de ses registrations – le mélange des jeux – alors que, perché à sa tribune, il n’entend qu’une partie des sonorités qu’il produit.

C’est à la mort, en 1984, de Pierre Cochereau, immense vedette dont les improvisations fleuves étaient légendaires, qu’Olivier Latry devient à son tour l’un des titulaires de l’orgue de Notre-Dame de Paris. Il a 23 ans et est l’une des « douze personnes spécialement choisies pour concourir ». Le jeune homme se présente « sans y croire vraiment », ce qui lui fait passer les épreuves sans souffrir du trac, raconte-t-il au cours du documentaire.

Pierre Cochereau, la leçon de musique
Durée : 04:37

Cependant, devenir titulaire de cette prestigieuse tribune n’est pas donné au premier venu car être organiste liturgique demande une solide formation : il faut bien jouer de son instrument, connaître le rituel des offices sur le bout des doigts, savoir accompagner, improviser, etc.

Latry décrit bien ce qui fait la spécificité d’un organiste liturgique versus un organiste de concert (ce qu’il est par ailleurs) : « L’improvisation prolonge une parole ou une musique, on n’est pas là pour faire son show… Le rôle de l’organiste liturgique est de servir. »

Dans le ventre de l’orgue de Notre-Dame, d’Isabelle Julien (France, 2015, 52 min). En première partie de soirée, Arte diffusera également le film Quasimodo, le bossu de Notre-Dame, réalisé par William Dieterle (Etats-Unis, 1939, 115 min, VF, N/B), avec Charles Laughton (Quasimodo), Maureen O’Hara (Esmeralda), sir Cedric Hardwicke (Frollo), Edmond O’Brien (Gringoire), Alan Marshall (Phoebus).