Arte, jeudi 18 avril à 20 h 55, série

Drôle – voire carrément jubilatoire –, sacrément irrévérencieuse et largement décalée, socialement juste et pouvant plaire à tout âge, Braquage à la suédoise est sans doute l’une des meilleures séries du moment.

Episode 1, scène 1. Deux femmes, grimées en hommes, se disputent dans une voiture, l’une reprochant à l’autre de s’être laissé embarquer dans cette histoire de braquage de banque alors même qu’elle devrait tranquillement siroter un thé, accompagné de brioches tout juste sorties du four, dans sa bourgeoise demeure.

Rembobinage. Comment en sont-elles arrivées là ? Celle qui panique, c’est Jenny. Mère d’une adolescente un brin ingrate, cette prof de mathématiques est en passe de se retrouver à la rue depuis que son mari – auquel aucun qualificatif ne saurait entièrement rendre justice : tentons ringard, radin, sadique – a décidé de lui imposer un divorce particulièrement humiliant. L’autre, c’est Cecilia. Femme active (gastro-entérologue de profession, ça aura son importance) et indépendante – ce que ne semble pas vouloir comprendre son fils, lequel ne la voit désormais que comme une mamie à laquelle refiler les enfants à garder –, elle n’a pas encore trouvé le moment adéquat pour dire à son mari, sympathique francophile qui rêve d’acquérir une villa en Provence, qu’elle a perdu toutes leurs économies en Bourse…

Sissela Kyle (Cecilia) et Lotta Tejle (Jeeny) dans la série « Braquage à la suédoise ». / ULRIKA MALM

Alors, quand l’un de ses patients en phase terminale lui livre un plan, clés en main et supposément infaillible, pour braquer une banque, Cecilia a peu de mal à convaincre son amie de tenter le coup, d’autant que « pense à tout ce que nous n’avons pas gagné juste parce que nous sommes des femmes ».

Discriminations en tous genres

Féministe, Braquage à la suédoise ? Résolument. A cela s’ajoute, avec autant de justesse que d’humour, une dénonciation d’un autre genre encore : l’idée, persistante au point d’en devenir une conviction, que les femmes de plus de 50 ans ne comptent plus. Elles en jouent d’ailleurs, et avec force talent, grâce à celui des comédiennes Lotta Tejle et Sissela Kyle.

A l’origine de l’histoire, ce sont pourtant… deux hommes, qui, sous la plume de l’écrivain Tomas Arvidsson, peinent à gagner leur vie en raison de la pression fiscale, très importante dans les années 1970.

Or, pour le réalisateur Felix Herngren, dans le système suédois actuel, ce sont les femmes les grandes perdantes : « Elles ont travaillé toute leur vie, élevé des enfants et perçoivent une pension bien moindre que celle des hommes. » Il a donc imaginé deux femmes proches de la retraite : « Elles savent qu’elles vont s’appauvrir, et cet avenir difficile rend cohérent leur passage à l’acte. » Et il faut les voir surfer sur Internet ou s’entraîner, dans leur salon décoré pour Noël, à dire « Les mains en l’air. Ceci est un hold-up », comme dans les films et les séries, qu’elles ont suffisamment regardés pour ne pas faire – ou presque – les mêmes erreurs !

En cela, Braquage à la suédoise pourrait être un mélange, plus que réussi, d’Arsenic et vieilles dentelles et de Thelma et Louise à l’ère 2.0 et avec un âge de la retraite qu’on nous promet… de plus en plus lointain. Quoi qu’il en soit, et en prime d’une critique pertinente des discriminations en tous genres sus-évoquées, cette série est une pure merveille de drôlerie, dont on attend, avec impatience déjà, la saison 2 – diffusée ces jours prochains en Suède.

« Braquage à la suédoise », série réalisée par Felix Herngren. Les jeudis 18 et 25 avril à 20 h 55. La série sera disponible en intégralité sur Arte.tv jusqu’au 17 mai.