Les Anglaises de Chelsea affrontent Lyon en demi-finale de la Ligue des champions. / FRANCK FIFE / AFP

Il y a dix ans, l’équipe féminine de Chelsea avait eu besoin de l’intervention financière salutaire du capitaine de l’équipe masculine, John Terry, pour survivre suite à une restriction budgétaire sévère. Aujourd’hui, la situation des Chelsea Ladies est beaucoup plus agréable : elles s’apprêtent à disputer face à l’Olympique lyonnais, triple tenant du titre, leurs deuxièmes demi-finales de Ligue des champions d’affilée. Au tour précédent, un but in extremis de la Norvégienne Maren Mjelde a permis aux Anglaises d’éliminer le PSG (2-0, 1-2).

Il faut dire que le football au féminin anglais a pris une envergure considérable depuis quelques saisons. Longtemps circonscrit à la section féminine du précurseur Arsenal, seul club anglais champion d’Europe en 2007, il bénéficie désormais de l’implication d’autres institutions, comme Chelsea, Manchester City ou encore Liverpool. Ces clubs ont enfin décidé de miser sur leurs footballeuses.

Dans une interview au Monde en mars 2017, la secrétaire générale de la Fédération française de football, Brigitte Henriques, analysait ainsi l’arrivée de certains gros clubs européens dans le football au féminin : « Ces clubs qui font aussi le pari du foot féminin ont de très gros moyens financiers. C’est important de le dire car, comme il n’y a pas encore d’économie derrière le sport féminin, cet investissement à perte ne peut venir que de gros clubs qui ne se préoccupent pas d’être à l’équilibre budgétaire. »

La Barclays va sponsorise la Women’s Super League

En Angleterre, les équipes féminines qui dominent le championnat sont effectivement celles qui sont rattachés aux clubs masculins les plus fortunés. Depuis 2015, les Blues de Chelsea ont décroché trois des quatre titres nationaux. Dans la même période, les joueuses de Manchester City ont remporté leur premier titre en 2016 et terminé trois fois à la deuxième place derrière les Londoniennes.

Toujours présentes, les footballeuses d’Arsenal complètent à chaque fois le podium. Cette saison, elles sont, pour le moment, en tête du championnat et devraient retrouver la Ligue des champions la saison prochaine.

Tous les voyants du football au féminin anglais sont au vert. Il y a quelques mois, la banque Barclays a annoncé qu’elle allait devenir le sponsor en titre de la Women’s Super League qui regroupe onze équipes professionnelles. Elle va investir 11 millions d’euros sur trois ans, à partir de la saison 2019-2020.

« C’est un moment fondateur pour le sport féminin, s’est félicitée Kelly Simmons, directrice du football professionnel féminin. Il s’agit du plus gros investissement, par une marque, dans l’histoire du sport féminin en Grande-Bretagne. »

Les ambitions de Manchester United

Le championnat devrait rapidement compter un « cador » de plus. Fondée au début la saison, l’équipe féminine de Manchester United est déjà en tête de la deuxième division et devrait accéder à l’élite.

Les Red Devils auraient investi autour de 5 millions d’euros, un budget très important, si l’on considère que celui de l’OL, épouvantail du football au féminin européen, serait de l’ordre de 7,5 millions d’euros.

En mai 2018, lors de l’annonce de la création de la section féminine, le vice-président exécutif de Manchester United, Ed Woodward, avait exprimé son enthousiasme : « Créer une équipe professionnelle de zéro présente ses difficultés, mais c’est un défi que nous sommes prêts à relever. Nous allons faire tous les efforts nécessaires pour apporter notre soutien et notre expérience à la nouvelle équipe féminine afin qu’elle connaisse le succès et qu’elle perpétue les belles traditions de notre grand club. »

D’autres clubs de Premier League, encore retardataires, semblent vouloir accrocher le wagon. Southampton a annoncé, en mars, vouloir mettre environ 1 million d’euros pour que sa section féminine, qui évolue au niveau régional, puisse rapidement progresser.

La sélection nationale sera l’une des favorites du Mondial

Dans une économie qui n’a pas encore trouvé son rendement, le développement du football au féminin dépend encore du bon vouloir des présidents. Au Real Madrid, cela fait par exemple plusieurs années que l’on attend, en vain, la création - pourtant plusieurs fois annoncée - d’une équipe féminine.

Internationale française, qui s’est exilée en Allemagne (Wolfsburg) et en Espagne (Barcelone) ces dernières années, Elise Bussaglia a échangé avec Toni Duggan, l’une de ses ex-coéquipières au Barça, sur les progrès du foot au féminin anglais. « Elle m’a raconté que, depuis deux ou trois ans, les Anglais avaient vraiment décidé de mettre les bouchées doubles, explique la joueuse de Dijon. A City, son précédent club, d’une année sur l’autre, les dirigeants ont demandé aux joueuses ce dont elles auraient besoin pour être dans les meilleures conditions possible. Elles ont rédigé une liste, l’année d’après, tout avait été changé en conséquence… »

L’Angleterre de Toni Duggan sera l’une des favorites au titre mondial prochainement en France. / Martin Rickett / AP

La bonne santé du football au féminin anglais ne se limite pas au progrès de ses clubs. La sélection nationale sera l’une des favorites du Mondial, qui débutera le 7 juin en France. Lors du dernier classement FIFA, les Three Lions ont doublé l’équipe de France et pointent au troisième rang des meilleures nations mondiales, derrière les Etats-Unis et l’Allemagne.A l’Euro 2017, les Anglaises ont éliminé les Bleues en quart de finale. Elles avaient terminé troisième du Mondial 2015.

Officiellement interdites de terrain entre 1921 et 1971 par la FA, the Football association, les femmes anglaises sont en train de prendre leur revanche. Les footballeuses sont désormais à la mode outre-Manche.