Rarement un procès en diffamation se sera à ce point retourné contre son instigateur. Comme l’a demandé la procureure, la justice a annoncé, vendredi 19 avril, la relaxe des journalistes poursuivis pour avoir donné la parole à des femmes accusant l’ancien député Denis Baupin d’agressions sexuelles et de harcèlement. Denis Baupin devra en outre verser au moins 500 euros de dommages et intérêts, pour « abus de constitution de partie civile », à chacun des prévenus.

M. Baupin, qui disait vouloir « laver son honneur », n’est jamais venu à l’audience. Une absence tancée par la représentante du parquet qui avait, le 9 février, salué « le courage » des femmes venues à la barre, au prix d’une douloureuse et nécessaire exposition publique. « La seule qualité de ce procès aura été de mettre en œuvre une impérieuse lutte contre le silence » qui entoure les violences sexuelles, avait conclu la magistrate, avant de demander la relaxe du site d’informations Médiapart et de la radio France Inter.

Au fil des débats, le procès de la presse s’était mué en charge contre l’ancien vice-président de l’Assemblée nationale. Huit femmes ont raconté des « SMS salaces », des « gestes déplacés » et des « agressions » : « les deux mains sur les seins », le « pied coincé dans la porte », « une caresse très douce ressentie comme une grande violence ». L’audience a été le théâtre d’une douloureuse introspection au sein d’un parti revendiquant ses combats pour le féminisme et la parité.

Baupin argue de « jeux de séduction »

Cette affaire avait pourtant vocation à ne jamais arriver au tribunal. Tout commence le 9 mai 2016, quand Mediapart et France Inter publient les premiers articles relayant les témoignages de quatre femmes anonymes et quatre élues écologistes – Isabelle Attard, Annie Lahmer, Elen Debost et Sandrine Rousseau – faisant état d’accusations d’agressions sexuelles ou de harcèlement.

Le lendemain, la justice se saisit. Denis Baupin nie, arguant de « jeux de séduction » entre « adultes ». Son avocat porte plainte pour diffamation le 11 mai. En mars 2017, le parquet de Paris classe son enquête sans suite, considérant que si certains des faits dénoncés étaient « susceptibles d’être qualifiés pénalement », ils sont « cependant prescrits ».

Au procès des médias, l’avocat de l’ancien élu écologiste, Me Emmanuel Pierrat, a plaidé une « drague lourdingue » qu’on « ne peut pas qualifier pénalement » et tout tenté pour décrédibiliser l’enquête journalistique et les témoignages.

La défense avait de son côté dénoncé « un prédateur » et une « forme d’impunité » prolongée par son absence. « Un NON avec un smiley ne se transforme pas en oui », avait expliqué Isabelle Attard, la première à avoir parlé à Mediapart. « Nous sommes libres de disposer de notre corps. C’est ça le consentement et c’est ça que Denis Baupin n’a jamais compris. »

Lire le compte-rendu du procès : « A l’époque on était moins #metoo »