Les Egyptiens attendent pour rentrer dans un bureau de vote situé dans une école cairote, le 20 avril 2019. / KHALED DESOUKI / AFP

Les bureaux de vote ont ouvert samedi 20 avril en Egypte pour un référendum sur une révision constitutionnelle autorisant le président Abdel Fattah Al-Sissi, élu en 2014, à prolonger son mandat et à consolider son pouvoir. M. Sissi a, de son côté, voté au Caire dès l’ouverture des bureaux de vote à 9 heures, selon des images de la télévision d’Etat.

Au total, quelque 62 millions d’Egyptiens, sur une population de près de 100 millions, sont appelés à se rendre dans l’un des quelque 13 000 bureaux de vote dans le pays d’ici à lundi soir. Samedi, les bureaux de vote étaient décorés aux couleurs nationales et placés sous haute protection de la police et de l’armée, ont constaté des journalistes de l’AFP. Dès vendredi, les Egyptiens de l’étranger ont pu voter à l’intérieur des missions diplomatiques.

Un contrôle accru du pouvoir judiciaire par l’exécutif

Les nouvelles dispositions permettraient de faire passer le deuxième mandat d’Abdel Fattah Al-Sissi de quatre à six ans, portant son terme à 2024. Le chef de l’Etat égyptien pourrait ensuite se représenter en 2024 pour un troisième mandat, ce qui le reconduirait au pouvoir jusqu’en 2030.

Outre la durée du mandat présidentiel, la révision doit accroître le contrôle du pouvoir judiciaire par l’exécutif et institutionnaliser le rôle politique de l’armée, pilier du régime. Les changements prévoient également de rétablir le bicamérisme, avec le rétablissement d’un Sénat, qui avait été supprimé en 2012. Un quota de 25 % de femmes au Parlement doit être instauré et le président pourra également nommer un voire plusieurs vice-présidents.

Des pouvoirs concentrés par Al-Sissi selon l’opposition

Les soutiens de Sissi considèrent ces changements indispensables pour que le président en exercice puisse parvenir à boucler des projets de développements et des réformes économiques majeurs. Les détracteurs de cette réforme constitutionnelle y voient une bascule vers un régime autoritaire, avec davantage de pouvoirs concentrés par Sissi.

L’opposition a d’ailleurs reproché au pouvoir d’avoir organisé ce référendum au pas de charge – la commission électorale n’en a annoncé les dates que mercredi, au lendemain de l’adoption de la réforme par les parlementaires. « Ils ne nous ont même pas laissé le temps d’organiser une campagne pour appeler à voter non », a déclaré Khaled Dawoud, du Mouvement démocratique civil. « C’est le dernier coup fatal après toutes les ambitions que nous avions à la suite de la révolution de 2011 », a estimé l’opposant.

Cette série d’amendements « est sans précédent dans l’histoire (moderne) de l’Egypte », estime Mustapha El-Sayyid, professeur de sciences politiques à l’Université américaine du Caire. Pour M. Sayyid, ces amendements renforceraient le pouvoir « d’un individu sur tous les autres ». « Un retour en arrière sera très difficile, car qui abandonnerait tant de pouvoir ? », s’interroge-t-il.

Dans une lettre publiée jeudi, le cabinet d’analyse sécuritaire Soufan Center avance qu’« il n’y a que peu d’opposition publique aux changements constitutionnels, résultat probable de la nature oppressive du gouvernement ». Samedi, l’ONG Human Rights Watch a dénoncé le fait que les amendements allaient « consolider le pouvoir autoritaire » en Egypte.

Un groupe d’ONG égyptiennes a par ailleurs estimé cette semaine que le « climat » politique ne permettait pas la tenue d’un référendum constitutionnel avec des « garanties ne serait-ce que minimales d’impartialité et d’équité ».

M. Sissi a été élu président en 2014, avec 96,9 % des voix, un an après avoir renversé avec l’armée, à la faveur d’un mouvement populaire, le président islamiste Mohamed Morsi. Il a été réélu en 2018, avec 97,08 % des voix, dans un scrutin marqué par la présence d’un unique rival, relégué au rang de faire-valoir, et par une série d’arrestations d’opposants.

Si la victoire du « oui » à ce référendum est attendue, les observateurs estiment que le taux de participation sera perçu comme le révélateur de la popularité d’Al-Sissi, en baisse depuis 2016 et la mise en place de mesures d’austérité. Les résultats du scrutin sont attendus pour le 27 avril.