Plusieurs milliers de Thaïlandais assistent samedi 20 avril à la première Fête du cannabis organisée dans le royaume après la légalisation de la marijuana à usage médical. / LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP

Ce jour de « four-twenty », journée mondiale pendant laquelle les partisans d’une remise en cause de la législation sur le cannabis se réunissent, a une saveur spéciale en Thaïlande cette année. Certaines scènes ont lieu alors qu’elles étaient inimaginables il y a encore quelques mois dans ce royaume très conservateur. Un festival dévolu à la marijuana se tient par exemple jusqu’à dimanche dans la province rurale du Buriram, à quelques centaines de kilomètres au nord-est de Bangkok.

Plusieurs milliers de Thaïlandais assistent samedi 20 avril à cette première Fête du cannabis organisée dans le royaume après la légalisation de la marijuana à usage médical. Parmi eux, des jeunes, des malades, des scientifiques, mais aussi des moines et des hommes politiques. De nombreux drapeaux multicolores, tipis blancs et chapiteaux ont été dressés pour l’occasion. Des stands proposent des feuilles à rouler ou des pipes alors que résonnent des chansons du pape du reggae, Bob Marley. D’autres exposent du matériel de serre et des éclairages nécessaires à la culture, tandis que plusieurs conférenciers devisent sur les différentes variétés de cannabis ou le contrôle de sa qualité.

2,7 milliards d’euros par an de bénéfices espérés

Chaivisit Visitvekin, un moine de 67 ans, fait la queue afin d’obtenir auprès du ministère de la santé le précieux sésame qui lui permettra d’utiliser la marijuana pour soulager ses douleurs à l’épaule. « J’ai recours à de l’huile et je n’ai jamais eu aucun effet secondaire », assure-t-il. Surrerat Ruangnoy consomme, elle, du cannabis afin de soulager ses migraines. « Au festival, j’ai vu des personnes âgées. J’ai pris des photos et je les montrerai à mes parents » afin qu’ils comprennent mieux sa situation, relève la jeune femme de 26 ans.

Deux jeunes Thaïlandais présents le 19 avril au festival qui se tient jusqu’à dimanche dans la province rurale du Buriram, à quelques centaines de kilomètres au nord-est de Bangkok. / LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP

En décembre 2018, la Thaïlande est devenue le premier pays d’Asie du Sud-Est à légaliser la culture du cannabis à usage médical, un marché dominé jusqu’ici par le Canada, l’Australie, Israël et plusieurs Etats des Etats-Unis. La vente de la marijuana sous forme d’herbe ou d’huile pourrait engendrer des bénéfices de quelque 2,7 milliards d’euros par an, selon des estimations fournies en décembre à l’AFP par Prapat Panyachartrak, président du Conseil national des fermiers. La légalisation à usage médical devrait aussi permettre aux paysans de se diversifier dans un pays où l’agriculture est focalisée sur le riz et les hévéas pour produire du caoutchouc.

Cette potentielle manne financière a permis à un petit parti politique de prendre son envol lors des élections législatives de mars, les premières depuis le coup d’Etat de 2014 qui a porté au pouvoir une junte militaire. Le Bhumjaithai (« fierté thaïe ») a fait campagne pour la légalisation du cannabis mais aussi pour permettre à chaque ménage de cultiver quelques plants chez eux.

Un pari gagnant puisqu’il est devenu à l’issue du scrutin une force politique non négligeable. Il se retrouve en position d’arbitre, courtisé par les deux principales factions (pro-junte et pro-démocratie) pour espérer remporter une majorité à la Chambre des représentants. Les résultats officiels seront connus d’ici le 9 mai.

Il n’empêche, la Thaïlande reste stricte envers les personnes arrêtées en possession de marijuana sans y être autorisées, rappelle le quotidien The Nation. De cinq ans de prison pour toute personne interpellée avec moins de 10 kg de marijuana, et jusqu’à quinze ans de prison au-delà de 10 kg.