Arte, lundi 22 avril à 22 h 20, documentaire

Même s’il n’y a rien de neuf sous le soleil de Colette, le documentaire réalisé par Cécile Denjean sur la romancière, qui fut aussi actrice, scénariste et danseuse nue, réjouit parce que résolument vivant – la musique, le rythme narratif et les illustrations de Catel Muller y sont pour beaucoup.

Née en 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne), Colette est avant tout la fille de sa mère, Sidonie. Une mère bourgeoise mais libre, aimante mais dévorante : « le personnage principal de ma vie ».

Colette a 11 ans quand sa vie bascule : son père, mauvais gestionnaire, doit brader la maison de Saint-Sauveur. Un traumatisme fondateur pour celle qui aimait tant être dehors, au contact du vivant, et qui explique sans doute « [sa] volonté farouche d’être indépendante financièrement, tout comme son insatiable besoin de reconnaissance ».

Chronologique, le documentaire suit Colette ou, disons, qu’il tente de le faire tant sa vie fut agitée. Il y a son mariage avec Willy et la « foudroyante découverte du plaisir » ; les lendemains qui déchantent, aussi. Trompée et malheureuse, elle tombe gravement malade. Mais Colette a une aptitude au bonheur hors du commun. Avec Willy, elle forme un couple certes hors norme (elle va devenir l’amante de ses maîtresses), mais que le Tout-Paris s’arrache.

« Confessions polissonnes »

Pour renflouer un peu ses poches, Colette, sous le nom de Willy, écrit et publie Claudine à l’école. « Je suis devenue écrivain, sans m’en apercevoir et sans que personne ne s’en doutât. »

Elle a beau dire, la France s’arrache 40 000 exemplaires en un mois de ses « confessions polissonnes », et Willy, qui a un sens certain du marketing, décline cette Claudine en parfum, cigarettes et le fameux col… Pendant ce temps, Colette découvre avec Missy les salles de spectacles et le parfum de scandale. Mais, insoumise et vagabonde, elle poursuit son chemin, se fait journaliste et devient mère, contredisant la sienne qui lui avait un jour lancé : « Tu n’es même pas bonne à faire un enfant. » Bel-Gazou est pourtant bien là, même si Colette restera une femme avant d’être une mère.

Colette, écrivaine : « Toute ma vie, j’ai cru à la force du souhait. Tout ce qu’on écrit finit par devenir vrai »

Une femme libre, trop sans doute. Aussi les critiques seront-elles assassines et les remarques misogynes quand Colette publie Chéri, amour d’une femme mûre pour un jeune homme (adapté par Stephen Frears et diffusé en première partie de soirée). Pouvait-elle imaginer que ce livre serait prémonitoire ? Sans doute : « Toute ma vie, j’ai cru à la force du souhait. Tout ce qu’on écrit finit par devenir vrai. »

Colette va en effet vivre un amour similaire avec son beau-fils, âgé de 16 ans. Amoureuse toujours et encore, elle connaîtra un dernier grand amour avec Maurice, un courtier en pierres précieuses, de dix ans son cadet et avec lequel elle se marie.

En 1945, elle est élue à l’académie Goncourt, dont elle devient la présidente quatre ans plus tard. Elle meurt en 1954, chez elle, dans son appartement du Palais-Royal. Enterrée au cimetière du Père-Lachaise, elle est la première femme à qui la France offre des funérailles nationales, alors que l’Eglise lui refuse toute cérémonie pour cause de conduites inconvenantes.

Qu’importe, Colette laisse une œuvre prolifique, que le documentaire – là réside son intérêt – donne justement largement à entendre.

« Colette, l’insoumise », de Cécile Denjean (France, 2017, 54 min). Précédé de « Chéri », film adapté du roman de Colette par Stephen Frears. Avec Michelle Pfeiffer, Kathy Bates, Rupert Friend (Royaume-Uni, France, Allemagne, 2009, 90 min). Arte.tv