La plate-forme pétrolière de Soroush, dans le golfe persique, le 25 juillet 2005. / Raheb Homavandi / REUTERS

Les Américains s’apprêtent visiblement à offrir un tour de montagnes russes au marché pétrolier mondial. Lundi 22 avril, le secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, devrait annoncer, selon la presse américaine, que les Etats-Unis ne vont pas renouveler les exemptions aux pays qui importent de pétrole iranien. Dès que le Washington Post a révélé l’information, le cours du baril est reparti à la hausse, gagnant 2 dollars en quelques heures, à plus de 73 dollars (65 euros), lundi matin.

Pour comprendre cette nouvelle frénésie qui saisit les marchés pétroliers, il faut revenir à la décision de Donald Trump de sortir les Etats-Unis de l’accord international sur le nucléaire iranien, en mai 2018. Le président américain annonce alors qu’il veut rétablir les sanctions « les plus dures de l’histoire » contre le régime iranien. L’administration Trump prépare alors un plan pour « réduire à zéro » les exportations iraniennes de pétrole à partir de début novembre. Les hydrocarbures sont le moteur de l’économie iranienne.

Mais pendant l’été, les déclarations tonitruantes de Donald Trump sur le pétrole iranien font craindre que les barils iraniens ne viennent à manquer dans un monde qui consomme de plus en plus de pétrole. En septembre, la barre des 100 millions de barils consommés par jour est franchie. A mesure que l’échéance du 4 novembre s’approche, les prix du pétrole grimpent, laissant anticiper une flambée sérieuse des prix. Pour compenser la hausse, les alliés saoudiens des Etats-Unis ouvrent les vannes et augmentent leur production.

Mini-krach pétrolier

Début novembre, à la surprise générale, l’administration américaine décide de délivrer des exemptions pour six mois à huit pays importateurs de pétrole iranien. Parmi eux, l’Inde et la Chine, les deux plus gros clients de Téhéran. Mais les Américains prennent la décision sans même informer leurs alliés saoudiens, qui découvrent ce revirement à la dernière minute, et qui sont à l’époque empêtrés dans l’affaire Jamal Khashoggi, du nom de ce journaliste assassiné à l’ambassade saoudienne à Istanbul en octobre.

On assiste alors à un mini-krach pétrolier, avec une baisse des prix de 25 % en trois semaines, du jamais vu dans l’histoire récente du brut. En décembre, l’OPEP et la Russie décident de réduire leur production, ce qui fait remonter les prix de manière spectaculaire en janvier.

Mais les « faucons » de l’administration Trump restaient sur leur faim : le président avait promis de mettre la « pression maximale » sur l’Iran. Dans un but clair : étouffer l’économie iranienne et pousser progressivement à un changement de régime. La question des exemptions agite les cercles républicains depuis plusieurs semaines, les plus radicaux accusant l’administration Trump de faire preuve de laxisme. Ainsi, le sénateur et ancien candidat à la présidentielle Ted Cruz a accusé mi-avril Mike Pompeo, pourtant présenté comme un dur, d’être trop complaisant.

Etudier d’autres options

Selon la presse américaine, la ligne extrémiste serait en train de l’emporter au sein du département d’Etat. La volonté de l’administration Trump serait de forcer les acheteurs de pétrole iranien à y renoncer complètement.

Une opération qui risque d’être très difficile à mettre en œuvre, en particulier en Asie, où se trouvent les plus gros clients du brut iranien : la Chine a déjà fait savoir qu’elle considérait que sa coopération « ouverte, transparente, raisonnable et légitime avec l’Iran devait être respectée ». Dans un contexte de guerre commerciale tendue, on voit mal pourquoi Pékin ferait ce cadeau à Washington.

Les acheteurs indiens, japonais et sud-coréens disent avoir étudié d’autres options. Certains Américains espèrent justement pouvoir vendre à ces pays asiatiques du pétrole de schiste, dont la production continue de croître aux Etats-Unis. Mais tous les pétroles ne se valent pas : les huiles légères américaines ne sont pas appropriées pour les raffineries coréennes ou indiennes, qui nécessitent des pétroles plus lourds.

Contenir la flambée des prix

L’administration Trump doit en réalité porter son combat sur deux fronts. D’abord, elle doit trouver le moyen de convaincre les pays en question de cesser leurs importations. « Ils ont dû donner des exemptions parce qu’ils n’étaient pas sûrs de pouvoir convaincre les Indiens et les Chinois », analysait en novembre un patron français du secteur.

Mais elle doit aussi s’assurer que la flambée des prix soit contenue, alors que Donald Trump ne cesse dans le même temps de tweeter que les cours du baril sont trop élevés et que cela est néfaste pour les consommateurs américains, très gros consommateurs de pétrole. Selon le Financial Times, les Etats-Unis sont en négociations avec l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis pour qu’ils augmentent leur production afin de compenser la perte des barils iraniens du marché.

Le calcul n’est pourtant jamais aussi simple. D’autres facteurs majeurs, auxquels Washington n’est pas étranger, pourraient avoir un impact important. Tout d’abord, la déroute persistante de l’économie vénézuélienne, envers laquelle les sanctions américaines se sont durcies, continue d’affecter durement la production pétrolière du pays. Dans le même temps, les affrontements en Libye, entre les troupes du maréchal Haftar et l’armée du gouvernement de Tripoli font peser le risque d’un embrasement, qui pourrait également réduire les exportations de ce pays.