Kylian Mbappé au sol, lors du match PSG-AS Monaco, au Parc des Princes, à Paris, le 21 avril. / FRANCK FIFE / AFP

Le « Dream bigger », ce n’est pas seulement un restaurant de fast-food à Nîmes. C’est aussi, depuis l’arrivée de Qatar Sport Investment (QSI) à la tête du Paris Saint-Germain (PSG), en 2011, la devise du club parisien. Un slogan de plus en plus ambivalent.

Au lendemain d’un huitième sacre national, le sixième en sept ans, Paris se balade dans le petit bassin de la Ligue 1, se permettant même quelques égarements au moment de conclure. Mais quelques semaines après une troisième élimination consécutive dès les huitièmes de finale de la Ligue des champions, les rêves de grandeur sur la scène européenne font encore et toujours figure de fantasme.

  • Un Gargantua en Ligue 1…

« A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. » En concédant le nul à domicile contre Strasbourg (2-2), puis en se faisant éparpiller façon puzzle par Lille (1-5, plus grosse défaite en L1 de l’ère QSI) lors de la 31e journée, les hommes de Thomas Tuchel pensaient avoir touché le fond de la piscine. C’était avant un troisième loupé, avec une défaite à Nantes (2-3), en match en retard. Ou comment finir sa saison dans un semblant de frissons, soupe à la grimace comprise. Ce fut sans grand danger pour leur place de leader, un peu moins pour leur image de marque.

Trois fausses joies plus tard, et Paris a fini par valider son titre de champion de France, dimanche 21 avril, lors de la 33e journée. Sans jouer, puisque le match nul concédé par son dauphin lillois à Toulouse (0-0), dans l’après-midi, a coupé l’herbe sous le pied des Parisiens, mais pas de Kylian Mbappé, qui a profité de la réception de son ancien club, l’AS Monaco, pour signer un triplé de gala (3-1).

Marco Verratti, Marquinhos ou Thiago Silva, ainsi qu’un certain Adrien Rabiot, en sont donc à leur sixième « hexagonal », cette espèce de trophée décerné par la Ligue de football professionnel (LFP), et leur coach, Thomas Tuchel, peut se féliciter de son premier titre de champion national, gonflant un peu un palmarès encore léger, après sa Coupe d’Allemagne conquise avec Dortmund.

Sans rival en France, le PSG n’est pas encore hors catégorie. En Europe, la Juventus de Turin a par exemple fêté ce week-end son huitième titre national consécutif, un record. Et l’ultra moderne solitude au sommet de la L1 du club parisien est cousine de celle de l’Olympique lyonnais (OL) lors de la décennie précédente. Avec leurs sept titres d’affilée décrochés entre 2002 et 2008, les anciens Gones affichent même un bilan supérieur au PSG version QSI.

Le sentiment de lassitude vis-à-vis de l’insolente domination parisienne qui pointe chez la concurrence et ses supporteurs renvoie au spectre de l’ogre qu’était l’OL il n’y a pas si longtemps, lorsque Kylian Mbappé avait entre 4 et 10 ans.

La comparaison s’arrête toutefois assez nettement lorsque l’on considère les coupes nationales. Une seule Coupe de France pour l’OL (en 2008), contre douze pour le PSG, dont sept depuis 2004, dont les quatre dernières en date, en attendant la finale de l’épreuve, le 27 avril contre Rennes. L’improbable défaite concédée en quart de finale de Coupe de la Ligue pour le quintuple tenant du titre, contre l’En Avant Guingamp, le 9 janvier (1-2), était la première depuis 44 matchs, Coupes de France et de la Ligue confondues.

Un rare raté qui fait resurgir cette étrange sensation de « peut mieux faire » vis-à-vis du premier de la classe. C’est injuste, mais pas forcément injustifié, surtout quand la pente s’élève. Car le chapelet de titres nationaux conquis par le PSG ressemble de plus en plus à un lot de consolation, qui peine même à faire taire les lamentations de ses supporteurs en pâmoison devant « la coupe aux grandes oreilles », la Ligue des champions.

  • … Et un tigre de papier en Europe

« Paris va gagner la Ligue des champions. » Une saillie signée Neymar, depuis sa convalescence, un 13 février, après la victoire des siens face à Manchester United, en huitième de finale aller (2-0), pour ce qui fut le match référence du PSG dans la compétition, mais avant le retour au Parc des Princes, perdu 1-3 le 6 mars, chef-d’œuvre d’autodestruction qui surpasse peut-être la déroute barcelonaise (1-6) subie deux ans plus tôt.

Sorte de « point Godwin » du PSG, l’évocation d’une victoire finale en C1 est devenue une rengaine délirante et contre-productive. Elle met la pression sur un club qui n’arrive plus à passer le cap des huitièmes de finale depuis trois saisons, dans une compétition qui a été, dès le rachat par QSI, désignée comme l’alpha et l’oméga de la réussite du projet.

Le PSG de l’ère QSI fait même moins bien que l’OL des années 2000, toujours lui, qui avait atteint le dernier carré en 2010, certes en battant Bordeaux en quarts de finale, mais après avoir écarté le Real Madrid en huitièmes, le genre d’exploit après lequel les Parisiens courent toujours. En Europe, Paris a beau bomber le torse, son parcours est encore celui d’un honnête champion de France, ni plus ni moins, un bon sparring-partner qui rentre à la maison quand commencent les choses sérieuses, même si personne ne pourra contester le panache avec lequel le PSG sort de scène.

Une remontada subie contre le Barça, puis une dégringolada contre les Red Devils, pour deux des plus beaux retournements de situation de la compétition, Paris soigne son style et poursuit une œuvre au noir, dont la beauté subtile est réservée aux amateurs de sadomasochisme, lesquels ne manquent pas dans le football en général, et au Parc des princes en particulier.

Ainsi que le confirmait, dans les colonnes du quotidien L’Equipe, le 1er avril, l’humoriste et acteur Michaël Youn, ancien abonné : « Je vis une déception amoureuse. Je me suis fait quitter par ma femme, et il s’avère que ma femme s’appelait le Paris-Saint-Germain. »

L’entraîneur allemand du PSG, Thomas Tuchel, le 17 avril, à Nantes (Loire-Atlantique). / STEPHANE MAHE / REUTERS

  • Du rêve à la réalité ?

Ni avec toi, ni sans toi, l’ambivalence des sentiments a retrouvé, depuis le début du printemps, une belle place de titulaire au sein du PSG, en tribunes comme dans les bureaux du club. Dans le vestiaire, Tuchel marche un peu plus seul, certains de ses joueurs n’ayant pas hésité à pointer le manque de caractère (Mbappé) ou d’organisation (Alvès) de leur équipe. Et la belle unité de façade qui régnait en début de saison au sein du triumvirat parisien, entre l’entraîneur, son président Nasser Al-Khelaïfi, et son directeur sportif Antero Henrique, s’est sensiblement effritée.

Dans sa communication, en dehors des boucs émissaires habituels (l’arbitre, la presse, la présence d’une équipe adverse), le coach allemand s’est adressé de plus en plus directement, et sans prendre de gants, à ses dirigeants, se plaignant d’un effectif jugé trop léger (oui, on parle bien du PSG), se plaçant ainsi dans une logique de lutte interne pour grappiller un peu plus de pouvoir, notamment sur la gestion des transferts.

En attendant que s’enclenche la rengaine du mercato, dont la chronique anime au moins autant la vie du PSG que celle du terrain, Tuchel devra terminer la saison la tête haute, avec une Coupe de France dans les mains. En cas de désillusion lors de cette finale, à disputer le 27 avril face à Rennes, le PSG bouclerait son plus mauvais exercice depuis 2012, lorsque le Montpellier d’Olivier Giroud avait été sacré champion devant les favoris de la capitale.

Il serait cependant taquin de parler d’une période de crise pour un club à peine auréolé du titre de champion de France, mais le PSG n’est plus à une contradiction près. La saison en clair-obscur qu’il vient de traverser aura été celle de la transition si le club parisien parvient à imaginer un nouveau cycle, pour grandir réellement et plus seulement en rêve.