Attentats au Sri Lanka : le résumé des événements en vidéo
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Les attentats à la bombe qui ont fait au moins 310 morts et 500 blessés, dimanche 21 avril, au Sri Lanka, auraient-ils pu être évités ? Sur fond de rivalités politiques entre le président et le premier ministre sri-lankais, la polémique s’est emparée du pays après la publication d’une note des services de renseignement datée du 11 avril avertissant qu’un mouvement islamiste ­projetait des « attentats-suicides ­contre d’importantes églises catholiques et l’ambassade d’Inde ».

Cette note, qui a fuité dans la presse locale, détaille les noms des potentiels kamikazes, leurs adresses, et le nom du mouvement islamiste local auquel ils appartiennent, le National Thowheeth Jama’ath (NTJ), accusé par les autorités sri-lankaises d’être à l’origine des attaques de dimanche. Le quotidien indien The Hindu affirme en outre que l’agence indienne de lutte antiterroriste, la National Investigation Agency (NIA), avait averti les autorités sri-lankaises des risques d’attentats dès la fin de l’année 2018 après avoir obtenu ces informations auprès d’un sympathisant de l’organisation Etat islamique originaire de l’Etat indien du Tamil Nadu.

« La volonté d’affaiblir un rival politique a compromis la sécurité du pays »

Selon le porte-parole du gouvernement, le premier ministre Ranil Wickremesinghe n’était pas au courant de ces informations. Il n’est plus invité aux réunions du conseil de sécurité depuis la crise qui a éclaté en 2018 avec le président sri-lankais, Maithripala Sirisena. Après avoir été limogé par M. Sirisena fin octobre 2018, M. Wickremesinghe avait été réinvesti à son poste de premier ministre quelques semaines plus tard grâce à une décision de la Cour suprême. Les deux hommes entretiennent depuis des relations difficiles.

Lorsque M. Wickremesinghe a voulu organiser une réunion du ­conseil de sécurité quelques heures après les attaques de dimanche, en l’absence du président en déplacement à l’étranger, aucun membre ne s’est présenté, selon les informations de l’agence Reuters. « La volonté d’affaiblir un rival politique a compromis la sécurité du pays », déplore le quotidien sri-lankais Daily Mirror dans son édition du 23 avril.

« Nous avons honte de ce qui s’est passé », a déclaré lundi Rauff ­Hakeem, le ministre sri-lankais de la planification urbaine. Si les noms des personnes impliquées étaient connus, pourquoi n’ont-elles pas été arrêtées ou davantage surveillées en amont ? Une commission d’enquête dirigée par un juge de la Cour suprême va être formée pour faire la lumière sur ces dysfonctionnements.

Lire notre reportage au Sri Lanka : chez les chrétiens, le deuil et l’incompréhension

Contexte pré-électoral

Le président du Sri Lanka, Maithripala Sirisena (à gauche), et le premier ministre, Ranil Wickremesinghe, lors d’une session parlementaire en octobre 2017. / Dinuka Liyanawatte / REUTERS

A l’approche des élections qui doivent se tenir d’ici à la fin de l’année, les attentats de dimanche ont pris une tournure poli­tique. Ils pourraient profiter à l’ancien homme fort du pays, Mahinda Rajapakse. Ce dernier tire sa gloire de la défaite infligée aux Tigres tamouls en 2009 dans un bain de sang, alors qu’il était président, mettant fin à vingt-six ans d’un conflit armé qui a fait des dizaines de milliers de morts. Ce dernier a accusé le gouvernement de « négligence » et a affirmé qu’il avait prévenu depuis des mois les autorités des menaces qui pesaient sur le pays.

Les attentats de dimanche rappellent les pires heures de la guerre civile, quand les attaques-suicides menées par le mouvement séparatiste LTTE des Tigres tamouls étaient fréquentes, et la présence policière et militaire hautement visible dans Colombo. Le pays n’avait jamais connu d’attentat aussi meurtrier, et les assauts de dimanche ravivent la mémoire d’une attaque-suicide qui avait fait près de 100 morts au siège de la banque centrale à Colombo, en 1996.

Etat d’urgence à partir de lundi minuit

La situation d’aujourd’hui est toutefois très différente. La guerre civile opposait la minorité tamoule à la majorité cinghalaise, accusée d’être favorisée par l’Etat. Or les chrétiens appartiennent aux deux communautés. Mi-avril, des messes avaient été célébrées sous protection policière dans le centre du pays, après que des églises ont été la cible de jets de pierre par des militants soupçonnés d’appartenir à des groupes extrémistes bouddhistes. Quant aux musulmans, ils ont été la cible d’attaques à la fois des séparatistes tamouls du LTTE et des Cinghalais bouddhistes.

La présidence du pays a déclaré l’état d’urgence à partir de lundi minuit au nom de la « sécurité publique ». Cette mesure, qui n’a pas de définition précise dans la ­Constitution du pays, a pour but de donner une plus grande latitude à la police et à l’armée. Mise en place pendant vingt-huit ans jusqu’en 2011, et pendant quelques mois en 2018, elle avait été critiquée pour avoir porté atteinte aux droits fondamentaux, dont la présomption d’innocence, et réduit la liberté d’expression dans le pays.