Lancement de la campagne de vaccination expérimentale contre le paludisme, mardi 23 avril, au Malawi. / AMOS GUMULIRA / AFP

En Afrique, plus de 250 000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque année du paludisme, soit un toutes les deux minutes. Pour lutter contre ce compte à rebours meurtrier qui ravage le continent, le Malawi a lancé, mardi 23 avril, le premier test grandeur nature du Mosquirix, vaccin expérimental le plus avancé à ce jour contre cette maladie infectieuse propagée par les moustiques anophèles.

La campagne va ensuite se poursuivre au Ghana et au Kenya, les deux autres pays pilotes du programme mené par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cette dernière espère ainsi vacciner jusqu’à 360 000 enfants dans ces trois pays d’ici à 2020.

  • Le Mosquirix, vaccin conçu en 1987

Baptisé Mosquirix ou RATS, S, ce vaccin a été conçu en 1987 par des chercheurs du géant pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline. Développé en partenariat avec l’organisation humanitaire PATH, qui a lancé l’initiative vaccin contre le paludisme, le Mosquirix est destiné aux enfants âgés de 6 semaines à 17 mois, pour lutter contre le paludisme dû au parasite Plasmodium falciparum, la forme la plus fréquente et la plus sévère de la maladie.

Ce vaccin recombinant avec adjuvant associe en effet une protéine du Plasmodium falciparum fusionnée et combinée à des antigènes de surface du virus de l’hépatite B, sous forme de particules analogues à un virus mais dénuées de propriétés infectieuses. Cette composition explique que le Mosquirix, qui nécessite quatre doses pour être opérant, immunise également contre l’hépatite B.

Le Mosquirix, qui a reçu en juillet 2015 un avis positif de l’Agence européenne du médicament (EMA), a déjà fait l’objet d’un essai à grande échelle, dit de « phase 3 », mené dans sept pays africains (Burkina Faso, Gabon, Ghana, Kenya, Malawi, Mozambique et Tanzanie) dont les résultats ont été publiés en avril 2015 par The Lancet.

A ce jour, il constitue le vaccin le plus avancé contre le Plasmodium falciparum, un parasite bien plus complexe que les autres microbes. Il possède ainsi trois types d’ADN et 5 300 gènes. « Cela signifie qu’il produit 500 fois plus de protéines que le VIH ou le virus de la grippe, selon Pierre Druilhe, ancien chef de laboratoire à l’Institut Pasteur. Or le “RATS, S” est un vaccin dit sous-unitaire, qui ne cible qu’une seule de ces protéines. »

  • Une « protection modeste » contre le paludisme

Selon l’OMS, le vaccin a permis de prévenir lors des essais cliniques environ quatre cas de paludisme sur dix sur une période de quatre ans, et trois cas sur dix de paludisme potentiellement mortels. Dans le détail, les essais préliminaires menés de 2009 à 2015 ont permis de réduire de 31 % le nombre d’épisodes paludiques chez les enfants âgés de 6 à 12 semaines, de 56 % chez ceux de 5 à 17 mois et de 39 % chez ceux âgés de 17 mois à 5 ans.

Dans son avis, l’EMA estimait que « les données de l’essai indiquent que le Mosquirix confère une protection modeste contre le paludisme à Plasmodium falciparum chez les enfants dans les douze mois suivant la vaccination ». Constatant que son efficacité décroît après une année, l’Agence européenne estime ainsi que le profil de sécurité du vaccin est « acceptable ».

  • Un espoir malgré des résultats mitigés

Si le vaccin ne semble donc pas la clé de l’éradication, il pourrait toutefois constituer un outil complémentaire dans l’arsenal antipaludique. Car, malgré les progrès réalisés en matière de prévention de la maladie dans la dernière décennie, « les efforts de contrôle du paludisme ont marqué le pas ces dernières années », a mis en garde le docteur Jonathan Juliano, un des chercheurs de l’équipe scientifique du programme. Entre 2000 et 2015, le nombre de personnes décédées de cette maladie a en effet diminué de 62 %, mais les moustiques qui la véhiculent craignent de moins en moins les insecticides.

« Dans certaines régions d’Afrique, les cas d’infection ont même augmenté. De nouveaux moyens sont nécessaires pour continuer à progresser vers l’éradication, a expliqué le docteur Jonathan Juliano. L’évaluation précise des vaccins expérimentaux en est un élément essentiel. »

Si son efficacité n’est donc que relative, les chercheurs et autorités sanitaires espèrent que, associé aux moyens de prévention tels que les moustiquaires imprégnées de répulsif, il permettra de réduire significativement le nombre de victimes. « Nous avons besoin de nouvelles solutions pour relancer la riposte contre le paludisme, et ce vaccin nous donne un outil prometteur pour y parvenir, a ainsi expliqué le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS. Le vaccin antipaludique pourrait sauver la vie de dizaines de milliers d’enfants. »

Lire l’épisode 9 de notre série sur le paludisme : Des vaccins encore loin de la panacée, mais « l’espoir est permis »
  • Une opération à grande échelle sur trois pays

Aboutissement d’un investissement d’un milliard de dollars, financé notamment par l’Alliance du vaccin (GAVI), le Fonds mondial de lutte contre le paludisme et l’Unicef, cette campagne, lancée mardi 23 avril, vise à tester le vaccin sur des enfants âgés de moins de 2 ans, les plus vulnérables à la malaria.

Ce programme pilote, coordonné par l’OMS, est le fruit d’une collaboration avec les ministères de la santé du Ghana, du Kenya et du Malawi et divers partenaires nationaux et internationaux. GSK, le concepteur et fabricant du vaccin, va donner jusqu’à dix millions de doses pour ce projet.

En 2015, 114 millions de personnes au total ont été infectées par le parasite du paludisme en Afrique subsaharienne. L’objectif de l’OMS est de réduire le nombre de morts de 90 % en 2030, par rapport aux 429 000 enregistrées en 2015.

Y a-t-il une seule bonne raison de ne pas éliminer tous les moustiques ?
Durée : 04:49