Un soldat sri-lankais devant l’église Saint-Antoine de Colombo, le 25 avril. / Eranga Jayawardena / AP

Le Sri Lanka était toujours, jeudi 25 avril, sous le choc des attentats djihadistes de Pâques qui ont fait 359 morts et quelque 500 blessés, selon le dernier bilan officiel, parmi les plus meurtriers dans le monde depuis le 11 septembre 2001. Colombo est engagé dans une gigantesque traque de suspects, avec l’armée en renfort, qui a déployé des milliers de soldats supplémentaires pour épauler la police dans cette chasse à l’homme. L’armée de terre a augmenté le nombre de ses militaires impliqués dans le dispositif de 1 300 à 6 300, tandis que l’armée de l’air et la marine ont dépêché 2 000 hommes.

« Nous avons le pouvoir de chercher, confisquer, arrêter et détenir grâce à la législation de l’état d’urgence », en place depuis lundi minuit, a déclaré le général de brigade Sumith Atapattu. « Nous participons à des gardes statiques, des patrouilles et aidons à établir des cordons et aux recherches lors d’opérations », a-t-il ajouté. Le Sri Lanka a procédé à 16 nouvelles arrestations dans la nuit de mercredi à jeudi, portant le total des personnes interpellées à près de 75 depuis dimanche.

« Défaillance » de l’Etat

Les autorités ont rapidement attribué ce bain de sang au groupe extrémiste local National Tawheed Jamaath (NTJ). Deux jours plus tard, l’organisation djihadiste Etat islamique (EI) a revendiqué ces attaques, publiant une vidéo de huit hommes lui prêtant allégeance. Des kamikazes s’en sont notamment pris à la minorité chrétienne de l’île d’Asie du Sud en frappant dimanche matin trois églises en pleine célébration de la messe de Pâques, provoquant un carnage. Des explosions ont touché trois hôtels de luxe dans le même temps.

Colombo a reconnu une « défaillance » de l’Etat en matière de sécurité, les autorités n’ayant pas su empêcher ces attaques alors qu’elles disposaient d’informations préalables cruciales. Une note prophétique d’avertissement, il y a quinze jours, prévenant que le NTJ préparait des attentats, n’a pas été communiquée au premier ministre et à des ministres de haut rang. L’alerte se fondait sur des éléments transmis par « une agence de renseignement étrangère » et avait été diffusée aux services de police. « Il y a clairement eu une défaillance de la communication de renseignements. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités car si l’information avait été transmise aux bonnes personnes, cela aurait pu permettre d’éviter ou minimiser » ces attentats, a reconnu mercredi le vice-ministre de la défense, Ruwan Wijewardene.

La police est en effet du ressort du président Maithripala Sirisena, qui est en conflit ouvert avec le chef de gouvernement, Ranil Wickremesinghe. Le premier avait limogé le second à l’automne mais avait été forcé de le réinvestir après sept semaines de chaos politique. Les deux hommes, aux personnalités antagonistes, se vouent une animosité réciproque et se mettent l’un et l’autre des bâtons dans les roues.

Eglises fermées jusqu’à nouvel ordre

Le gouvernement sri-lankais a annoncé mercredi que « neuf kamikazes » au total avaient péri au cours du dimanche de Pâques. Huit ont été identifiés mais leurs noms n’ont pas été révélés. Le sort du leader présumé du NTJ, Zahran Hashim, est inconnu pour le moment. « La plupart » des kamikazes « sont éduqués et viennent de la classe moyenne ou de la classe moyenne supérieure. Ils sont donc assez indépendants financièrement et leurs familles sont assez stables, ce qui est un facteur inquiétant », a rapporté mercredi le vice-ministre de la défense.

Les églises catholiques de l’île resteront fermées jusqu’à l’amélioration de la situation sécuritaire. « Il n’y aura aucune messe publique jusqu’à nouvel ordre », a annoncé un haut responsable de l’Eglise locale. Les funérailles de victimes pourront se tenir lors de cérémonies à caractère privé.

Attentats au Sri Lanka : le résumé des événements en vidéo
Durée : 03:06

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Vidéo. Retrouvez en vidéo le résumé des événements du dimanche 21 avril, lorsque huit explosions ont causé la mort de plusieurs centaines de personnes, principalement dans des églises et des hôtels de luxe de la capitale, Colombo.

Bilan humain. La grande majorité des victimes sont sri-lankaises et leurs identités ne sont pas encore connues ; de nombreux étrangers de dizaines de nationalités différentes ont également été tués.

Data. Selon le décompte effectué par Le Monde à partir de la Global Terrorism Database, cette série d’attaques est la plus meurtrière perpétrée contre des chrétiens depuis 1970.

Analyse. Ces attentats montrent comment l’EI se redéploie en franchises régionales après la perte de son territoire, notamment en Asie, dans les pays du Golfe, en Afrique et en Europe.

Tribune. Pour l’historien Eric Paul Meyer, « nul ne s’attendait à ce que le Sri Lanka soit visé par des attentats d’une telle ampleur ».

Entretien. Le politiste François Mabille rappelle que, dans le pays, persistent un nationalisme bouddhiste cinghalais toujours vif et des conflits identitaires.