Benoît Hamon, le 11 avril à Paris. / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

A un mois du scrutin, comment sortir de la nasse ? Benoît Hamon tente de le faire par le terrain. Après avoir en vain appelé, comme d’autres candidats, au rassemblement de la gauche, la tête de liste de Génération.s s’est lancée à corps perdu dans la conquête des électeurs de gauche. Il espère remonter son handicap – les sondages le donnent stagnant entre 3 et 4 % des voix – avec une campagne militante et des déplacements dans le monde du travail et les banlieues. Ce jeudi 25 avril, l’ancien candidat à la présidentielle est revenu à Lorient, sur les terres de son père, autour du thème de la pêche. Comme un ressourcement pour ce fils de salarié des Arsenaux de Brest.

Le Breton en a bien besoin, alors qu’il se voit refuser l’accès aux grands débats télévisés. Il peine à percer et le sent. « On fait campagne avec un vent de face mais avec un équipage soudé cette fois-ci. On repart sur nos basiques, le social et l’écologie », philosophe-t-il en visitant Marin’acceuil, le Seamen’s club local. Les dockers CGT lui racontent leurs conditions de travail rendues plus dures par les émanations des sojas et maïs OGM qu’ils manipulent. Mais surtout par les plans sociaux successifs qui les ont touchés. « Comme durant la présidentielle, je veux parler du travail qui broie, qui mutile et rendre visibles des situations dont on ne parle pas beaucoup », leur dit Benoît Hamon.

L’atmosphère est attentive mais aussi un peu dubitative. Devant ces électeurs très à gauche, Hamon doit encore se justifier, tant sur le bilan du PS que sur l’état de la gauche. « Vous avez de bonnes idées mais au pouvoir, vous ferez pareil. Pendant des années, tout ça vous a bien arrangé ! », lance l’un. Un ange passe et le candidat lui donne raison. Avant d’ajouter qu’aujourd’hui « le système ne tient plus » et qu’il « pense à ses mômes » en voyant « la planète qui meurt ». Quand le secrétaire de la section locale l’interpelle sur la division à gauche – « quand on se retrouve dans certaines positions du PCF, dans celles de LFI ou les vôtres, on fait comment ? » –, M. Hamon, là encore, en convient : « on se retrouvera après le 26 mai, je suis assez confiant que la raison l’emportera ». Ça frotte un peu mais l’ambiance n’est pas pour déplaire à l’ancien ministre qui veut aller chercher ces électeurs hésitants.

« Macron veut l’américanisation de la société française »

Plus tard, devant quelque 250 personnes réunies pour l’écouter au Palais des congrès, entouré d’Isabelle Thomas et Guillaume Balas, députés européens sortants, la tête de liste retrouve sa partition préférée en critiquant vertement la conférence de presse d’Emmanuel Macron : « On a vu la radicalisation dogmatique d’un projet libéral ! ce qu’il veut c’est l’américanisation de la société française. En continuant à réduire les dépenses publiques comme il le propose, il change la nature du lien des citoyens et des territoires ». La diatribe parle à l’assistance qui pose ensuite des questions par tirage au sort : féminicides, retraites, racisme, climat, toutes les thématiques chères à l’ancien socialiste y passent.

Quand soudain une sympathisante l’interpelle du fond de la salle « Mais comment on fait pour que ça matche ? Vous avez le meilleur pourcentage d’opinions favorables selon un sondage [Harris Interactive pour LCI-TF1, RTL et Le Figaro ] et vous êtes à 3 % ». Le patron de Génération.s tente de la rassurer : « On est dans un moment d’éclatement de la gauche avec une énorme volatilité des électeurs. Il faut aller les convaincre ». Benoît Hamon martèle sa conviction, comme pour conjurer le spectre de ne pas être élu le 26 mai.

Le leader de Génération.s, sans mandat national, sait qu’il joue gros : rater cette élection européenne hypothéquerait fortement l’avenir de son mouvement et le sien. Surtout quand il entend jouer un rôle dans la recomposition de la gauche avant la présidentielle de 2022. « Notre campagne va finir par rapporter ce petit point qu’il nous faut pour avoir 5 % et quatre ou cinq députés », confie-t-il en aparté. Avant d’ajouter : « je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. »