Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse dans la salle des fêtes de l’Elysée, le 25 avril 2019. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR « LE MONDE »

Emmanuel Macron s’est défendu, jeudi 25 avril, d’avoir fait « fausse route » mais a promis une « nouvelle méthode » pour « lever beaucoup de malentendus », multipliant les annonces fiscales, sociales et institutionnelles jeudi lors d’une grande conférence de presse à l’Elysée.

Lors de cet exercice inédit depuis son élection, en 2017, devant quelque trois cent vingt journalistes, le chef de l’Etat a salué les « justes revendications à l’origine » du « mouvement inédit » des « gilets jaunes » qui a profondément bouleversé le quinquennat depuis le 17 novembre. Pourtant, il ne les a pas convaincus.

« Quelques miettes de pain »

« Il n’a pas écouté ce qu’on a dit dans la rue depuis cinq mois, a déclaré Maxime Nicolle, l’une des figures des « gilets jaunes ». Il vient de balancer quelques miettes de pain comme la réindexation des retraites. » Il a déploré l’écartement du référendum d’initiative citoyenne (RIC), une des principales revendications du mouvement. « Simplement abaisser le seuil du référendum d’initiative populaire, c’est complètement inutile, il faut toujours l’accord du Parlement, s’est-il indigné. Tout est repoussé, tout est vague, rien n’est précis, donc samedi on lui montrera que nous aussi on sait faire les choses en profondeur et le 1er mai aussi. »

« Ça sonne creux. Au fond, il garde le cap », a réagi Jérôme Rodrigues, autre figure du mouvement. Lui aussi est très déçu des annonces sur la démocratie. « Il ne peut pas être le candidat du vote blanc forcément, ça lui enlèverait complètement l’ivresse du pouvoir », a-t-il ajouté. A propos de l’impôt sur le revenu, « il n’a pas annoncé plus de tranches donc on ne réduit pas les inégalités, a-t-il jugé. Et il n’y a rien eu sur la TVA [taxe sur la valeur ajoutée], alors que c’est une des premières revendications. »

Sur Twitter, Priscillia Ludosky, l’une des initiatrices du mouvement, a réagi en listant les dates des prochaines manifestations hebdomadaires jusqu’au 25 mai.

« Une série d’annonces, d’usines à gaz »

L’opposition n’est pas en reste. Le président des Républicains, Laurent Wauquiez, a déploré sur France 2 une accumulation de « petits gestes, de petites corrections des lourdes erreurs commises », assurant que « des compartiments entiers de Français ne sont pas concernés ».

Jean-Luc Mélenchon, député et chef de file de La France insoumise, a écrit sur Twitter : « Macron sait-il que son discours était censé conclure la crise politique ? Il vient de la relancer en se défilant comme il vient de le faire. » Et si le chef de l’Etat « n’a rien compris aux attentes des Français, on lui réexpliquera le 26 mai ! », a lancé de son côté la tête de liste du mouvement pour les européennes, Manon Aubry.

Il n’y aura « pas d’acte II », en a conclu le patron du Parti socialiste, Olivier Faure. Raphaël Glucksmann, tête de liste de Place publique et du PS aux élections européennes, a écrit, sur Twitter : « Où est la vision à la hauteur de la crise sociale et de l’apocalypse écologique ? Certaines mesures sont bienvenues, d’autres non. Mais rien n’est au niveau du moment que nous traversons. Tout était dit à la 5e minute : pas de fausse route, pas de nouveau cap. »

« Les Français demandent un changement de politique. Le président répond : je continue et j’accélère », a critiqué Fabien Roussel, premier secrétaire du Parti communiste français (PCF), tandis que Benoît Hamon (Génération.s) fustige un président qui « répond je radicalise, j’intensifie et j’accélère ma politique ».

Sur BFM-TV, Jordan Bardella, la tête de liste du Rassemblement national (RN, ex-Front national) aux élections européennes, a déclaré n’avoir « pas compris un mot des solutions qu’il n’a pas proposées en réalité ». Il a dénoncé « une série d’annonces, d’usines à gaz, dont on n’a pas très bien compris d’ailleurs quelle allait être l’application concrète. »

Déception des écologistes

Les défenseurs du climat se sont montrés perplexes face aux annonces d’Emmanuel Macron pour répondre à l’« urgence climatique ». « Tout ça pour ça ! », dit Yannick Jadot, tête de liste Europe Ecologie-Les Verts (EELV) pour les européennes : « On attendait un plan Marshall sur le climat (logement et renouvelables), une sanctuarisation des services publics (gares, maternités…) et des infrastructures vitales (aéroports, barrages…) », et à la fin, « rien ! ou si peu ».

« Plutôt que des mesures concrètes, le président annonce la création d’un nouveau comité. Décidément, le temps de l’action climatique, ce n’est pas encore pour aujourd’hui… », a dénoncé sur Twitter Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.

Même son de cloche du côté de la Fondation Nicolas Hulot : « Nous appelions à un tournant social et écologique du quinquennat. Aujourd’hui, il est clair que le gouvernement ne changera pas de cap », a dénoncé l’ONG. « Je suis évidemment très déçu par l’absence de nouvelles mesures concrètes pour accélérer la transition écologique et solidaire », a écrit Matthieu Orphelin, député écologiste, ancien membre du groupe La République en marche.

Les PME déçues

Pascal Canfin, numéro deux sur la liste La République en marche (LRM) pour les élections du 26 mai, a salué « deux réformes-clés » pour « accélérer la transition » : « la conférence de citoyens va permettre de sortir des blocages en partant de demandes concrètes » tant en matière de logement que de transports, et le « conseil de défense économique va rassembler les ministères-clés pour la transition (économie, logement, agriculture…) ». Les membres d’Agir, la droite constructive ont dit se « retrouver dans les grandes orientations proposées » mais se disent également « convaincus qu’il faut aller plus loin, et proposer à nos concitoyens une vraie refondation, un nouveau modèle économique social et environnemental, un nouveau projet de société ».

La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a regretté qu’Emmanuel Macron n’ait pas entendu « le ras-le-bol fiscal des artisans » et des petites entreprises en annonçant la suppression de niches fiscales pour les sociétés afin de financer la baisse de l’impôt sur le revenu. « Peu de mesures concernent directement les entreprises sauf l’augmentation d’impôt dissimulée sous le terme ambigu de suppression des niches fiscales des entreprises », a réagi l’organisation.