Un employé de la société Bollore Logistics, à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, en Seine-Saint-Denis, le 10 avril. / ERIC PIERMONT / AFP

Emmanuel Macron en est aujourd’hui convaincu : il faut que les Français travaillent plus. De quelle façon et au nom de quels objectifs ? Sur ces deux questions, en revanche, le chef de l’Etat semble moins sûr de lui.

Il apportera sans doute un début de réponse, jeudi 25 avril, lors de sa conférence de presse au palais de l’Elysée. Sachant que quelques scénarios ont déjà été esquissés, depuis la mi-mars, à l’initiative de membres du gouvernement et de la majorité parlementaire.

L’idée figure dans le texte de l’allocution télévisée que le président de la République aurait dû prononcer le 15 avril – et qui a finalement été annulée, à cause de l’incendie de Notre-Dame-de-Paris. Dans ce document, qui a fuité dans plusieurs médias et que Le Monde s’est procuré, M. Macron évoque la « nécessité » de « travailler davantage », en la présentant comme une des options à retenir pour financer des baisses d’impôts sur le revenu – au profit des « classes moyennes », en particulier.

Il ajoute, un peu plus loin, qu’« on ne pourra rien faire (…) en termes de solidarité si nous ne produisons pas davantage » – une affirmation susceptible de préfigurer une mobilisation accrue de la main-d’œuvre : il s’agirait, cette fois-ci, de dégager des ressources supplémentaires pour tout ce qui a trait au « vieillissement de la population et à la dépendance ».

« Pas de mandat »

Concrètement, trois « solutions », au moins, sont possibles, comme le souligne Sylvain Maillard, député (La République en marche, LRM) de Paris : modifier la durée légale du travail, ce qui pourrait signifier la fin des 35 heures ; relever l’âge minimum de départ à la retraite, aujourd’hui fixé à 62 ans, dans l’optique d’augmenter le nombre de personnes en emploi ; enfin, demander aux salariés d’être à leur poste, durant quelques heures, mais sans les payer – sur le modèle de la « journée de solidarité », instaurée en 2004 pour financer la prise en charge des personnes âgées et des handicapés.

Cette troisième piste avait d’ailleurs été mise en avant, le 10 mars, par Stanislas Guerini, le délégué général de LRM, afin de couvrir une partie des dépenses liées à la perte d’autonomie. Mais elle ne rapporterait qu’« entre 2 milliards et 3 milliards d’euros » par an, complète M. Maillard – alors que les besoins de financement supplémentaire, d’ici à 2030, ont été estimés à 9,2 milliards.

L’hypothèse d’un recul de la borne d’âge pour pouvoir toucher sa retraite (à 63 ans, voire au-delà) a, elle aussi, été mentionnée, à compter de la mi-mars, par plusieurs poids lourds de l’exécutif. Problème : M. Macron avait promis, durant la campagne présidentielle, de ne pas toucher à la règle des 62 ans – un engagement réaffirmé par Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire à la réforme des retraites.

Beaucoup de parlementaires LRM veulent que la parole donnée soit respectée : « Nous n’avons pas de mandat [pour repousser l’âge minimum de départ à la retraite] », fait valoir Aurélien Taché, député macroniste du Val-d’Oise, qui plaide pour une réaffectation, à terme, de la contribution à la réduction de la dette sociale (CRDS) en faveur de la dépendance ou une nouvelle journée de solidarité « fléchée là-dessus ».

« Repenser le temps de travail »

Quant à l’abrogation des 35 heures, elle se heurte, là encore, à l’hostilité d’une partie du groupe LRM à l’Assemblée nationale et ne figure pas parmi les revendications du patronat – même si elle a la cote, en particulier chez les dirigeants de petites entreprises.

La perspective du « travailler plus » doit, cependant, être regardée de près, « en y réfléchissant sereinement avec l’ensemble des partenaires sociaux », considère Gilbert Cette, professeur d’économie à l’université de Montpellier. « La durée du travail en France est assez basse, surtout du fait d’un faible nombre de jours travaillés. Vouloir se rapprocher de la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE] n’est pas absurde », estime-t-il.

Eric Heyer, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), pense, pour sa part, qu’il convient de « repenser le temps de travail tout au long de la vie professionnelle », en laissant des moments de respiration aux actifs afin qu’ils puissent suivre une formation, s’occuper de leurs proches ou faire une coupure.

Allonger la durée d’activité au-delà de 62 ans peut s’envisager, sous réserve que les personnes aient une réelle liberté de choix et qu’elles puissent organiser leur carrière en s’épanouissant.