La décision judiciaire ouvre la voie au maintien de plus de 600 employés des deux équipementiers automobiles de Vienne, Saint-Jean Industries Alu et Fonderies du Poitou. La justice a validé vendredi 26 avril la reprise par le britannique Liberty House de ces entreprises, a-t-on appris de sources syndicale et patronale. Les deux unités, qui appartenaient autrefois à Renault et étaient jusqu’ici aux mains de deux propriétaires différents, sont toutes deux en redressement judiciaire et emploient environ 800 personnes.

Liberty House est une filiale de l’anglo-indien GFG Alliance (Gupta Family Group), détenu par l’entrepreneur Sanjeev Gupta. Ce groupe constitue depuis le début des années 2010 une activité sidérurgique, avant d’être présent dans les aciers spéciaux à partir de 2016. Au corus de l’année écoulée, il a racheté plusieurs sites de sidérurgie, comme le français Ascometal ou encore ArceloMittal.

« Voir l’avenir plus sereinement »

Le tribunal de commerce de Lyon a validé vendredi la reprise par Liberty House de l’usine de Saint-Jean Industries Alu, installée à Ingrandes-sur-Vienne. Cette décision ouvre la voie à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) qui doit permettre, s’il est validé la semaine prochaine, de sauvegarder 295 des 331 emplois que compte l’usine actuellement.

« Ça nous permet de voir l’avenir plus sereinement », a fait savoir Jean-Philippe Juin, délégué syndical CGT à Saint-Jean Industries, ajoutant espérer désormais que Liberty House « tienne ses engagements et diversifie l’activité » aujourd’hui majoritairement « soumise au diktat de Renault ».

Liberty House a ensuite annoncé dans un communiqué vendredi que le tribunal de commerce de Poitiers avait pour sa part validé sa reprise d’une seconde usine, Fonderies du Poitou Fonte (FPF), mitoyenne de Saint-Jean Industries Alu. Pour FPF, Liberty House propose de reprendre 328 salariés sur 401 actuellement, 73 postes faisant l’objet d’un plan de départs volontaires, avait rapporté mercredi Frédéric Vaucelle, secrétaire CGT du comité social et économique.

Diversifier la présence de Liberty sur le marché français

Seul repreneur encore en lice, Liberty House avait signé le 19 avril un accord avec Renault portant sur une garantie de volumes de commandes des quatre prochaines années que Renault s’engage à tenir, et sur l’amiante présente dans les deux sites. Selon les syndicats, 95 % de la production de Saint-Jean Industries Alu consiste en culasses pour Renault, tandis que le constructeur représente 68 % de la clientèle de FPF, dont la production de blocs moteurs est victime de la crise du diesel. Les deux entreprises, selon le repreneur, « seront désormais connues sous le nom de Liberty Engineering Poitou, intégrant Liberty Aluminum Technologies Poitou, et Liberty Cast Products Poitou ».

Douglas Dawson, PDG de Liberty Industries, a salué « un grand jour pour les entreprises et pour notre groupe », et ajouté que ces acquisitions « font partie intégrante de la stratégie de GFG pour étendre et diversifier sa présence sur le marché français de l’automobile et continuer à mettre en évidence son rôle d’acteur industriel majeur en France ». Cette double acquisition permet aussi à GFG « de mettre en œuvre sa stratégie d’acquisition d’actifs qui lui donnent une plate-forme pour assurer la croissance future des systèmes de traction écologiques, utilisés dans les véhicules électriques, qui nécessiteront des quantités toujours plus importantes d’aluminium ».

Série d’acquisitions

Malgré le spectre du Brexit, Liberty House a multiplié récemment les acquisitions en France dont celle en décembre, auprès du géant anglo-australien Rio Tinto, de l’usine Aluminium Dunkerque, achat assorti d’un programme d’investissement de 55 millions de dollars. Liberty a également acquis le fabricant de jantes AR Industries à Châteauroux (390 personnes) et en mars le carrossier Durisotti et ses sites de Sallaumines (Pas-de-Calais), Agen (Lot-et-Garonne) et Metz (Moselle).

« Le déclin industriel de la France est très clair, c’est le moment de réindustrialiser », avait expliqué Sanjeev Gupta dans un entretien à l’Agence France-Presse à Londres en février. Selon lui, les industries ont besoin « de technologies, d’une main-d’œuvre éduquée et qualifiée plus accessibles dans les pays développés (…). Je ne crois pas que le secteur industriel va plier bagage vers l’Orient », assurait-il.

Dans un communiqué, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, et la secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher, qui s’est rendue vendredi à Ingrandes-sur-Vienne, ont salué le feu vert des tribunaux. Disant « compter désormais sur Liberty House », ils assurent qu’ils seront « particulièrement vigilants à la bonne application des volets social et industriel du projet de reprise ».