Finalement, Emmanuel Macron va respecter l’un de ses principaux engagements de campagne. Jeudi 25 avril, il a déclaré que l’âge minimum de départ à la retraite ne sera pas décalé – suggérant ainsi qu’il restera fixé à 62 ans. Le doute prévalait, depuis la mi-mars, puisque plusieurs membres du gouvernement, souvent issus de la droite, avaient mentionné l’éventualité d’un report de cette borne d’âge sans être contredits par l’Elysée, provoquant une belle cacophonie au sommet de l’Etat. Désormais, le débat est tranché.

Le président de la République a arbitré en faveur du maintien de la règle des 62 ans pour deux raisons. « La première, c’est que je me suis engagé à ne pas [y toucher] », a-t-il dit, en rappelant son souhait de bâtir un système universel, dont l’élaboration a été confiée à Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites.

« Il ne faut pas (…) compromettre [ce projet] », a-t-il ajouté. Sous-entendu : changer de paramètres (en passant à 63 ans, par exemple) risquerait de braquer la population et, du même coup, de faire obstacle à sa promesse d’un nouveau régime. Or, le chef de l’Etat y est très attaché pour « recréer de la confiance » et « corriger les vraies injustices ».

L’autre argument invoqué par M. Macron tient au fait qu’il « serait assez hypocrite de décaler l’âge légal » alors même que l’on « n’a pas réglé le problème du chômage dans notre pays ». Au passage, il a souligné la difficulté de rester en activité jusqu’à l’âge de 62 ans « quand on est peu qualifiés, quand on vit dans une région en [déclin] industriel ».

Système de décote

Cela étant, le président de la République est convaincu qu’il faut « travailler plus », c’est-à-dire au-delà de 62 ans, dans son esprit. La France accuse un retard, par rapport à « ses voisins », ce qui engendre un « différentiel » en termes de « création de richesses et donc de revenus pour nos concitoyens ». Pour sortir de cette situation, M. Macron a d’abord énuméré les solutions dont il ne veut pas : augmenter la durée hebdomadaire du travail (en abolissant les 35 heures), supprimer un jour férié ou repousser l’âge à partir duquel la retraite peut être versée.

Une autre voie existe, a-t-il enchaîné : elle passe par un allongement de « la durée de cotisation (…) sans bouger l’âge légal », en instaurant « un système de décote qui incite à travailler (…) plus longtemps ». Ainsi, les assurés garderont « le libre choix » de stopper leur carrière quand bon leur semble.

Comment fonctionnera le nouveau dispositif ? Impossible, à ce stade, de répondre car tout va dépendre des modalités techniques qui seront retenues. Le scénario esquissé par le chef de l’Etat évoque la loi Touraine de janvier 2014 : ce texte impose une « durée d’assurance » minimale pour bénéficier d’une pension à taux plein (par exemple, 172 trimestres pour ceux nés à partir de 1973) ; les personnes qui ne remplissent pas cette condition voient leur retraite amputée d’un certain montant (en fonction des trimestres manquants).

Aujourd’hui, les salariés du privé font déjà valoir leurs droits à la retraite un peu au-delà de 62 ans, en moyenne, « parce qu’ils ne veulent pas la décote » actuellement en vigueur, comme l’a rappelé M. Macron. Pour lui, le schéma qu’il défend est « au cœur du projet porté par Jean-Paul Delevoye ». Une affirmation qu’il convient de nuancer car le haut-commissaire a, jusqu’à présent, surtout mis l’accent sur l’idée de surcote ou de « coefficients majorants », ayant pour effet d’améliorer le niveau de la pension des personnes qui ont prolongé leur vie professionnelle. Un tel mécanisme n’a pas été mentionné par le président de la République, jeudi soir.

Plus aucune sous-indexation à partir de 2021

Reste que les annonces de M. Macron représentent « plutôt un succès » pour M. Delevoye, aux yeux d’un bon connaisseur du dossier : le haut-commissaire avait clairement laissé entendre qu’il démissionnerait en cas de remise en cause de la règle des 62 ans. Tous ceux, à Matignon et à Bercy, qui militaient pour une élévation des critères d’âge « sont sèchement renvoyés dans leurs buts », commente cette même source.

Le président de la République a, par ailleurs, indiqué que les pensions de moins de 2 000 euros par mois seront réindexées sur l’inflation à partir de 2020, confirmant une piste qui avait circulé depuis plusieurs jours. Il a précisé qu’il n’y aura plus aucune « sous-indexation de quelque retraite que ce soit à partir de l’année 2021 », ce qui n’était pas connu, en revanche.

Autre nouveauté : l’augmentation du « minimum contributif », qui est notamment accordé aux personnes ayant droit au taux plein mais dont le salaire a été faible quand elles travaillaient. M. Macron a formé le vœu que ce minima de pension soit porté à 1 000 euros par mois.

Le résumé vidéo des annonces d’Emmanuel Macron
Durée : 03:43