• Dmitri Chostakovitch
    Under Stalin’s Shadow
    Symphonies n°6 et 7 « Leningrad ». Suite du « Roi Lear » op. 58a. Ouverture de fête op. 96. Boston Symphony Orchestra, Andris Nelsons (direction)

Pochette de l’album « Under Stalin’s Shadow », compositions de Dmitri Chostakovitch, par le Boston Symphony Orchestra, Andris Nelsons (direction). / DEUTSCHE GRAMMOPHON / UNIVERSAL MUSIC

Relayées depuis plusieurs années par l’intégrale Chostakovitch, dont cet album constitue la quatrième livraison, les affinités électives entre le chef Andris Nelsons et le compositeur n’ont cessé de s’affirmer. C’est peu dire que l’art du Letton atteint ici une dimension exceptionnelle. Peu ont osé avant lui – et surtout réussi – le déploiement d’un tel théâtre d’humanité, entre ardeur et saccage. Dense, angoissée jusqu’à la terreur, la Sixième symphonie glace et brûle à la fois tandis que la fameuse « Leningrad », déjà louée dans une première version de 2011 avec l’orchestre symphonique de Birmingham, atteint cette fois à la dimension épique. Une vision implacable, dont le souci du détail et la subtilité dans l’art narratif magnifie plus encore les moments de grande puissance. Cuivres spectaculaires, vents souverains, cordes étincelantes, le Boston Symphony Orchestra a trouvé baguette à son pied, l’ogre Nelson orchestre à sa démesure. Egalement appréciable, l’inclusion d’œuvres courtes comme la Suite du « Roi Lear » ou Ouverture de fête, traitées avec la même maîtrise et la même intensité. Marie-Aude Roux

1 CD Deutsche Grammophon/Universal Music.

  • Quatuor Béla
    Trois frères de l’orage
    Quatuors à cordes d’Erwin Schulhoff, Pavel Haas et Hans Krasa par le Quatuor Béla

Pochette de l’album « Trois frères de l’orage », par le Quatuor Béla. / KLARTHE

Les trois compositeurs réunis dans ce programme le sont habituellement pour de sinistres raisons. Tchèques, juifs, coupables d’avoir produit ce que les nazis qualifiaient de « musique dégénérée », ils sont tous les trois morts dans des camps. Le Quatuor Béla confronte ici leurs œuvres d’avant « l’orage », terme plus que mesuré quand on pense au cataclysme qui conduisit Haas et Krasa aux chambres à gaz d’Auschwitz. Ecrites pendant l’entre-deux guerres, ces partitions sont caractéristiques de l’esprit libertaire qui régnait alors dans les arts, surtout au cours des années 1920. Le Quatuor n°1 d’Erwin Schulhoff (1894-1942) est un chef-d’œuvre de subversion qui dompte son insolente vitalité dans une trouble perspective. Il ne s’agit plus d’orage mais de mirage. Tout aussi fantasque dans le registre de la suggestion champêtre, le Quatuor n°2 de Pavel Haas (1899-1944) relève aussi de la vision tandis que le kaléidoscopique Thème et variations de Hans Krasa (1899-1944) glisse de subtiles facéties dans un cadre classique. Chaque œuvre bénéficie d’une interprétation hallucinante de finesse qui présente le Quatuor Béla comme une formation de rêve pour tout compositeur. Pierre Gervasoni

1 CD Klarthe.

  • Andy Emler et David Liebman
    Journey Around The Truth

Pochette de l’album « Journey Around The Truth », d’Andy Emler et David Liebman. / SIGNATURE RADIO FRANCE

Andy Emler au grand orgue de Radio France, conçu par le maître facteur Gerhard Grenzing. Dave Liebman, le plus européen des saxophonistes américains au ténor, soprano, il prend aussi une petite flûte de rien du tout. Tous deux plus qu’estimés par leurs pairs, insatiables, fous de musique, précis, exacts, emballés, emballants, sobres. Leur entente n’a rien d’expérimental : c’est l’aventure cruciale de toutes les expériences. Seules idoles, le son, la pureté, la joie de jouer. Issu d’un concert historique du 21 février 2018, commande de Radio France (chapeau !), cet album est un miracle. Pas seulement parce que ça roule, ça gronde, ça groove, avec un lyrisme qui ne cherche rien à atteindre, sinon la musique même. Non. Parce que l’opulence d’un instant, d’un concert, d’une rencontre, éclate en majesté dans un enregistrement inépuisable. Un de ces trucs rares qu’on écoute en boucle. Comme dit Arnaud Merlin, « ils ont multiplié les enjeux ». Alchimie de l’écrit, de l’improvisation et de l’instant précis. Trente ans d’amitié. Mille ans de créativité. Andy a le sentiment que Dave y a mis toute sa vision de la musique. Et Dave ? Tout ce qu’Andy engage dans le jeu. La grâce, la félicité, le plaisir : pur voyage autour de la vérité. Pour une fois que le titre de l’album, Journey Around The Truth, dit le vrai… Francis Marmande

1 CD Signature Radio France.