Les joueurs rennais montrent la coupe de France à leurs supporters sur l’esplanade Charles-de-Gaulle, dimanche 28 avril au lendemain de leur succès en finale contre le PSG. / DAMIEN MEYER / AFP

Il a la voix éraillée et les cernes de celui qui n’a pas dormi de la nuit. Ce dimanche 28 avril en fin d’après-midi, Benjamin André, capitaine du Stade rennais, affiche pourtant un sourire de jeune marié lorsqu’il s’avance sur la scène de l’esplanade Charles-de-Gaulle, la plus grande place de Rennes.

Entouré par ses partenaires, le milieu de terrain brandit la Coupe de France remportée samedi soir au Stade de France face au Paris-Saint-Germain à l’issue d’une séance de tirs au but (2-2 après prolongations puis 6 tirs au but contre 5). « Vous n’avez jamais arrêté de nous soutenir. Vous nous avez portés. Ce trophée, c’est aussi le vôtre ! », scande Benjamin André aux milliers de supporters du Stade rennais dressés face à lui et dans les rues adjacentes.

Trempée par la pluie qui s’abat presque sans discontinuer, la foule exulte de joie. Les jeunes crient. Les plus vieux applaudissent à s’en user les paumes. Quelques pères de famille pleurent. Postée sur la scène, Nathalie Appéré, maire (PS) de ville, observe cette ferveur qu’elle n’a « jamais connue ». « Notre enthousiasme est décuplé par le scénario de la finale [le Stade rennais était mené 2-0 au bout de vingt minutes de jeu]. Nous avions presque perdu espoir puis notre équipe a renversé la situation. Ce match est à l’image de cette saison qui nous a offert tant d’émotions », jubile Kévin Busnel, 29 ans, maillot rouge et noir sur le dos. L’aficionado rejoue avec passion l’excellent parcours européen du Stade rennais, éliminé contre Arsenal en huitièmes de finale de Ligue Europa. Son frère, Cédric, abonde : « L’équipe a définitivement conjuré notre malédiction ! »

« Une religion sans paradis ! »

Depuis le dernier trophée – une Coupe de France – remporté en 1971, le palmarès du Stade rennais était resté désespérément vide. Les supporters s’étaient habitués à la réputation d’indécrottables perdants. Ces dix dernières années, la formation bretonne avait notamment enchaîné trois défaites en finale de Coupe nationale. « On croyait que le Stade rennais était une religion sans paradis », s’enflamme Théophile Gautier, un des fondateurs du Roazhon celtic kop (RCK), principal groupe de supporters rennais.

Les supporters de Rennes, réunis dimanche pour célébrer la victoire en Coupe de France, attendaient un trophée depuis 48 ans. / DAMIEN MEYER / AFP

Les yeux rivés sur l’écran géant retransmettant en direct la cérémonie, Gaël Guillois et son beau-frère, Cyril Vetier, la quarantaine, haussent les épaules : « Nous faisons partie de cette génération maudite qui n’avait jamais rien gagné. A présent, il y aura un avant et un après 27 avril 2019 dans nos vies de supporters. Cette journée de communion est historique. Nous nous devions de la partager avec nos enfants. »

Abrités sous un parapluie, Claude et Marie-Thérèse, deux octogénaires, observent la foule sauter comme un seul homme : « Nous n’appartenons pas aux soutiens assidus, mais nous aimons notre ville. Son équipe de football en est l’ambassadeur. Elle représente aussi la Bretagne. Avec ce trophée, j’éprouve la fierté ressentie après l’inauguration du métro sacrant Rennes en plus petite ville au monde à bénéficier d’un tel service. »

François Pinault, propriétaire enfin récompensé

Nathalie Appéré, maire de Rennes, répète à l’envi combien ce trophée dépasse le cadre sportif. Elle prédit un impact positif « considérable » sur l’image et la réputation du territoire. Cette victoire pourrait même débrider la pudeur locale. Kévin et Cédric Busnel approuvent : « Ce titre doit nous donner confiance. A présent, notre formation doit prétendre au top cinq français ainsi qu’à des épopées européennes. D’abord, visons Ligue Europa avant de grandir en Ligue des champions. Souvenons-nous d’où nous partons et construisons étape par étape. »

Soudain, une partie de la foule scande le nom de François Pinault, propriétaire du club depuis 1998, comme les supporters présents au Stade de France l’avaient fait, la veille, pour fêter la victoire. Ils remercient « la passion et la détermination » du milliardaire. Certains le cherchent du regard sur la scène. François Pinault ne viendra pas. Il apparaît finalement brièvement lors de la réception de remerciements organisée en petit comité à l’Hôtel de Ville.

Tandis que les joueurs saluent une nouvelle fois la foule du balcon, lui, d’une voix feutrée dit « savourer » ce titre qu’il a tant fantasmé « pour les supporters et pour la Bretagne ». Avant de quitter la salle, il jette un coup d’œil à l’une des fenêtres dominant la place de la mairie et va finalement soulever le trophée au balcon face à la foule. Dehors, plusieurs dizaines de milliers de Rennais prolongent la fête. Les Rennais voudraient que ce week-end ne s’arrête jamais.