Attention : cet article essaye d’éviter certains spoilers, mais il est évidemment préférable d’avoir vu l’épisode 3 de la saison 8 de Game of Thrones, « The Long Night », diffusé lundi 29 avril, avant de le lire.

« Quinze millions de dollars par épisode et pas de quoi faire fonctionner l’éclairage, c’est ballot ! » A l’image de la réaction d’un éminent collègue du Monde, postée sur les réseaux la soirée du lundi 29 avril, de nombreux spectateurs du dernier épisode de Game of Thrones (le très marquant « The Long Night ») n’ont pas manqué de commenter l’un des choix marquants dans la réalisation : l’obscurité.

Parmi les premiers retours après la diffusion, beaucoup se sont plaints d’avoir dû écarquiller les yeux plusieurs fois pendant les quatre-vingt-deux minutes de l’épisode pour apercevoir certaines scènes d’actions et éléments clés de la bataille en cours. Au point de générer parfois quelques moqueries.

Après diffusion de l’épisode, des sites américains comme Gizmodo et Slate ont émis une hypothèse assez simple pour expliquer ce constat, repris par des spectateurs n’ayant pas forcément apprécié des scènes trop sombres et à l’action pas assez distinctes : « Les réalisateurs ont déconné ». « Ils n’ont pas pris en compte le fait que les gens allaient regarder l’épisode sur des canaux de streaming qui pourraient dégrader l’image ; et que les mêmes personnes allaient voir l’épisode chez eux, sur des écrans mal réglés, et dans des pièces qui ne sont pas des salles de cinéma », regrette Gizmodo.

« Game of Thrones » : quelques conseils pour apercevoir l’action du s08e03 sur votre écran

« The Long Night », l’épisode 3 de la saison 8 de Game of Thrones, a marqué certains esprits en raison d’une image trop sombre. La rédaction de Pixels vous donne quelques conseils pour en profiter au mieux, si vous êtes trop gêné après avoir démarré l’épisode (ou que vous voulez le revoir dans de meilleures conditions) :

Plongez-vous dans le noir. C’est de loin la solution la plus efficace. L’idéal est d’empêcher le moindre rayon de soleil ou de lampadaire de pénétrer chez vous, et de couper tout éclairage artificiel pouvant se refléter sur votre écran, ou réduire les détails qui se découpent dans les tonalités sombres de l’épisode. Fermez donc les volets, les rideaux, et éteignez les lumières, avant d’appuyer sur « Lecture ».

Explorez les réglages automatiques de votre écran. Certains écrans sont réglés pour afficher des images trop contrastées. On parvient généralement à corriger ce problème en passant les télévisions en mode « Cinéma » ou « Naturel ». Si cela ne fonctionne pas, explorez les autres modes d’image disponibles.

Si ça ne suffit pas, tentez d’en corriger les faiblesses. De fait, certains écrans sont structurellement moins doués pour afficher des détails sombres, noyés dans un brouillard noir. Leur lisibilité est améliorable en corrigeant leurs réglages plus franchement, quitte à dénaturer l’image. Augmentez leur luminosité et/ou leur rétroéclairage.

Pour le streaming : regardez l’épisode en journée. Si vous regardez cet épisode sur des plateformes de diffusion vidéo en temps réel (OCS en France), évitez les heures de pointe en fin de journée, lorsque tout le monde rentre chez soi et se connecte à son Wifi. Vous aurez de meilleures chances de profiter d’un bon signal vidéo, le moins compressé possible, en regardant cet épisode le matin. Une bonne bande-passante, et une lecture avec une qualité maximale, est cruciale pour avoir des images sombres propres et détaillées, comme l’explique notamment The Verge.

Un scénario fondé sur la noirceur

Force est pourtant de constater que l’équipe aux manettes de cet épisode de Game of Thrones savait ce qu’elle faisait. Tout d’abord en choisissant consciencieusement une trame scénaristique qu’elle a dû créer de toutes pièces, cette bataille n’étant pas adaptée à partir d’un livre de George R. R. Martin, qui a été dépassé dans son écriture romanesque par la série télévisée.

Cette scène homérique de Winterfell, attendue par les fans depuis de nombreuses années, et qui devait déterminer qui des vivants ou des morts allait l’emporter, se déroule ainsi en une seule nuit. Elle a lieu autour d’une forteresse régnant sur les Royaumes du Nord, généralement peu connue pour ses conditions météorologique favorables, et assiégée par des milliers de morts-vivants. Cette nuit noire, « noire et pleine de terreur » pour reprendre l’une des phrases les plus connues de Game of Thrones, est par-dessus le marché frappée par une monumentale tempête de neige portée par le Night King en personne, à la tête de son armée de zombies.

Dans un making-of officiel de l’épisode diffusé le 29 avril sur YouTube, Fabian Wagner, directeur de la photographie, détaille : « L’épisode commence avec une lumière de pleine Lune. Le Night King apporte avec lui une tempête et des nuages. La Lune en tant que telle se dissipe, mais sa lumière demeure, d’une manière très diffuse. Puis l’étape d’après a consisté à mettre le feu à la tranchée [autour du château]. (…) Le but était d’avoir ce feu rouge sang qui prenne le dessus sur le reste de l’image, et assèche complètement la lumière bleue de la Lune. »

Extrait du making-of de l’épisode 3 de la saison 8 de « Game of Thrones », « The Long Night ». / HBO / Youtube

Le symbole est limpide : les armées des morts s’accompagnent d’une noirceur épaisse, totale, un personnage à part entière qui assiège les vivants, plongés dans un tunnel de chaos et de confusion, sans aucune visibilité sur leur avenir immédiat. Face à la menace, les seuls rayons de lumières visibles dans l’épisode proviennent du feu craché par la gueule des dragons survolant la bataille, ou par les torches et les armes allumées pour les humains de Winterfell qui tentent de repousser les morts. Ceci grâce à l’aide du bien nommé Dieu de la lumière, convoquée par la sorcière Mélisandre, de retour dans un rôle clé.

Au-delà d’une leçon de cinéma classique, où l’ombre le dispute à la lumière, l’intégralité de cet épisode se fonde sur cette opposition symbolique binaire : la noirceur visuelle, omniprésente, rend compte d’un déroulé tactique où les zombies l’emportent face à des héros assiégés et pris au piège dans la nuit, d’une manière qu’on peut croire, à tout moment, fatale. Le dénouement heureux de l’épisode, avec la mort du Night King, n’intervient que dans les dernières minutes, alors que la situation semble désespérée au plus haut point. Arrive ensuite le lever du jour.

Extrait de l’épisode « The Long Night » de « Game of Thrones ». / Helen Sloan / AP

Un tournage de nuit

Ces symboles sont portés à l’écran par une réalisation plutôt radicale : les équipes ont tourné la plupart des scènes de cet épisode dehors, et de nuit, pendant cinquante-cinq jours consécutifs, en Irlande du Nord. « Le tournage commençait à 18 heures et s’arrêtait parfois à 5 heures », explique l’une des productrices de la série, Bernadette Caulfield, dans le making-of officiel. On y voit des scènes effectivement tournées à la lumière de la Lune, amplifiées par des éclairages artificiels autour des acteurs et des lieux de la bataille.

Extrait du making-of de l’épisode 3 de la saison 8 de « Game of Thrones », « The Long Night ». / HBO / Youtube

Extrait du making-of de l’épisode 3 de la saison 8 de « Game of Thrones », « The Long Night ». / HBO / Youtube

« Nous avons filmé de nuit pendant onze semaines. Je savais que c’était merdique comme conditions, qu’il allait faire froid, et que personne n’a vraiment envie de faire ça. Mais si nous ne le faisions pas, nous perdions ce qui rend Game of Thrones si cool : que cela fasse vrai », a expliqué le réalisateur de l’épisode, Miguel Sapochnik, au site spécialisé Entertainment Weekly.

Une ligne revendiquée par différents techniciens à l’œuvre sur les tournages de Game of Thrones ces dernières années. Robert MacLachan, directeur de la photographie, indiquait en 2017 au site spécialisé Insider que l’équipe de réalisation était globalement attachée à filmer des scènes les plus « naturelles » possible. Ce qui a, selon lui, rendu les épisodes de plus en plus sombres au fur et à mesure de la série, alors que l’hiver s’abat de plus en plus sur le monde imaginaire de Westeros, et que les personnages devaient, en toute logique, rester à l’intérieur et s’éclairer au feu ou à la bougie.

Le réalisateur Miguel Sapochnik était par ailleurs déjà aux commandes de précédents épisodes phares de la série, notamment les « Battle of the Bastards » et « The Winds of Winter » qui clôturent la saison 6. Dans le making-of de « The Long Night », il explique avoir voulu filmer un nouveau genre de bataille, quelque chose de « rafraîchissant » et d’inédit. Tourner un tel épisode de nuit, avec toutes les contraintes liées, répondait à son objectif de proposer quelque chose de neuf, afin d’appuyer certaines ambiances : par exemple, le « suspense » propre au genre du film d’horreur, qu’il cite volontiers comme influence, et qui s'appuie, selon lui, sur le fait de « ne pas voir les monstres ». Mission plutôt réussie.