Des manifestants avec des gilets jaunes passent aux travers des lacrymogènes lors de la manifestation du 1er-Mai à Paris. / JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

Syndicalistes, autonomes, « gilets jaunes », écologistes… de nombreuses organisations et collectifs ont appelé à la mobilisation à l’occasion de ce mercredi 1er mai, à Paris et dans de nombreuses villes de France, dans un contexte tendu par plus six mois de crise sociale et vingt-quatre samedis de manifestation des « gilets jaunes ».

Ce 1er-Mai marque également la date anniversaire du début des « affaires Benalla », du nom de l’ex-chargé de mission de l’Elysée mis en examen notamment pour avoir, comme Le Monde l’a révélé en juillet 2018, molesté un manifestant ce jour-là place de la Contrescarpe, à Paris. De nombreux manifestants sont donc venus affublés d’un masque reprenant le visage d’Alexandre Benalla et des organisations appelaient à constituer un « Benalla bloc », notamment au sein du cortège syndical parisien.

Le point sur la mobilisation.

Des manifestants portent des masques du visage de Benalla lors de la manifestation du 1er-Mai à Paris. / JULIEN MUGUET POUR « LE MONDE »

  • Charges de CRS et heurts à Paris

A Paris, le premier cortège pour le climat, principalement constitué de « gilets jaunes », s’est élancé à 11 heures de la place d’Italie en direction de Montparnasse, d’où est parti en début d’après-midi le rassemblement syndical.

Très vite, la tension est montée : à la mi-journée, parmi les manifestants, des centaines de militants radicaux encagoulés et vêtus de noir ont commencé à scander leurs slogans habituels, comme « tout le monde déteste la police » ou « ah ah, anti, anticapitaliste », avant d’envoyer des projectiles vers les forces de l’ordre. Dans une ambiance tendue, les CRS ont répondu par des grenades de désencerclement et des gaz lacrymogènes, notamment autour de la brasserie La Rotonde, pour éviter un sort comparable à celui du Fouquet’s sur les Champs-Elysées le 16 mars. La Rotonde est en effet un lieu symbolique pour Emmanuel Macron, puisqu’il s’agit du restaurant où le chef de l’Etat avait célébré, le 23 avril 2017, sa qualification au second tour de l’élection présidentielle.

Côté participation, le cabinet Occurrence estime que 40 000 personnes ont manifesté à Paris dans le principal défilé, soit sensiblement plus que le décompte du ministère de l’intérieur à 14 heures (16 000), mais moins que le chiffrage de la CGT (80 000). Une vingtaine de médias, dont Le Monde, s’associent à ce décompte indépendant, qui utilise des capteurs positionnés sur le parcours des manifestations (vous trouverez plus d’informations sur sa méthodologie ici).

Pour ce 1er-Mai, le comptage a été réalisé boulevard Raspail, à côté du métro Vavin, et a pu être effectué dans de bonnes conditions, selon Occurrence. Cette estimation est supérieure à ce qu’anticipait hier la place Beauvau – les prévisions étaient de quelque 115 000 manifestants dans toute la France, dont 25 000 à 35 000 à Paris.

La préfecture de Paris a annoncé avoir effectué 12 528 contrôles préventifs, 249 interpellations à 16 heures, dont 55 à la suite de « tentatives d’exactions » au niveau de Montparnasse. Le quartier de la Concorde et des Champs-Elysées était totalement bouclé et la préfecture avait mobilisé au moins 190 motos de la brigade de répression de l’action violente, présentées comme des « unités anticasseurs ».

Certains manifestants, habitués des défilés du 1er-Mai, ont été étonnés de la violence dans le cortège parisien. « Je défile pour la Fête des travailleurs depuis 1987, c’est la première fois que je ne pourrai pas le faire » raconte Evelyne, une retraitée de 69 ans, au Monde, tandis qu’elle vient de se réfugier dans un hall riverain après une charge de CRS.

A quelques kilomètres de Montparnasse, place de l’Odéon, les syndicats dits « réformistes » (CFDT, CFTC, UNSA), s’étaient mobilisés dans le calme dans la matinée.

  • En province, des rassemblements dans le calme, sauf à Lyon et Toulouse

Alors que le ministère de l’intérieur a estimé à 151 000 le nombre de manifestants partout en France à 14 heures, la plupart des défilés se sont terminés dans le calme en région.

A Marseille, le défilé du 1er-Mai s’est déroulé dans une ambiance bon enfant, en présence du chef de file de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, et de la tête de liste LFI aux élections européennes, Manon Aubry. Les manifestants se sont dispersés dans le calme autour de 13 h 30. Selon la préfecture, ils étaient 5 500, dont 1 200 « gilets jaunes ».

A Nantes, le défilé s’est également terminé dans le calme. Le service d’ordre de la CGT a rapidement canalisé la vingtaine de militants de « Nantes révoltée » présents, leur rappelant le caractère pacifique de cette journée du 1er-Mai. Les 5 000 personnes présentes – selon les syndicats, 3 500 selon la police – se sont dispersées autour de 13 heures ou ont rejoint le pique-nique organisé devant la Maison des syndicats.

Idem à Bordeaux, où un cortège de 6 400 personnes – dont 1 300 « gilets jaunes » selon la préfecture − s’est dirigé dans une ambiance détendue jusqu’à la Bourse du travail, où un pique-nique et un concert étaient organisés. Le début de la manifestation n’avait pourtant pas commencé sous les meilleurs auspices, la préfecture ayant refusé le parcours proposé par la CGT lors de sa demande de manifestation.

Selon Les Dernières Nouvelles d’Alsace, pas loin de 2 000 personnes sont rassemblées à Strasbourg (2 500 selon la CGT, 1 600 selon la police) – dont moins d’une centaine de « gilets jaunes ». Le défilé s’est déroulé dans le calme. Même constat à Nancy, où les manifestants sont 2 000 selon France Bleu Sud Lorraine.

Des heurts ont en revanche éclaté à Lyon, entre un petit groupe de black blocs et de forces de l’ordre devant l’Hôtel-Dieu, à l’approche de la place Bellecour. Les gaz lacrymogènes ont répondu aux jets de bombes de peinture. Une personne a été interpellée. Le reste des manifestants – 6 200 selon la préfecture, 9 500 selon les syndicats – s’est dispersé dans le calme.

Les tensions commençaient également à monter à Toulouse en début d’après-midi, où au moins 5 000 manifestants défilaient, selon La Dépêche. Des groupes de « gilets jaunes » cherchaient en effet à rejoindre le centre-ville – interdit par le préfet de Haute-Garonne aux manifestants – et se sont retrouvés bloqués par la gendarmerie au niveau des ponts sur la Garonne permettant d’accéder au centre. Mardi, des « gilets jaunes » s’étaient introduits dans la mairie, déplorant justement cette interdiction.