Le ministre allemand de l’intérieur, Horst Seehofer, à Berlin, le 30 avril. / ANNEGRET HILSE / REUTERS

On peut se laisser surprendre par tout, y compris par ce qui est le plus prévisible. Le ministre allemand de l’intérieur, le conservateur Horst Seehofer (CSU), vient d’en donner la preuve en réclamant une rallonge budgétaire de 61 millions d’euros à son collègue des finances, le social-démocrate Olaf Scholz (SPD), pour financer les cérémonies du 30e anniversaire de la chute du mur de Berlin (1989) et de la réunification (1990).

C’est la Süddeutsche Zeitung qui a révélé l’affaire, mardi 30 avril. Dans une lettre adressée à la commission du budget du Bundestag, le ministère de M. Scholz explique que les services de M. Seehofer lui ont demandé de débloquer en urgence 30 millions d’euros qui n’avaient pas été inscrits dans le budget de 2019 et d’ajouter 31 millions d’euros à ceux qui figurent dans le budget prévisionnel de 2020, afin de préparer les festivités.

Pour justifier sa requête, le ministère de l’intérieur, chargé des commémorations, évoque des « besoins imprévus » liés à l’ampleur qu’il veut donner à l’événement. Le 30e anniversaire de la chute du Mur et de la réunification ne saurait être célébré comme n’importe quel autre anniversaire, dit-il. Pour l’occasion, il envisage notamment la tenue d’un « débat sérieux et honnête avec les citoyens » sur la forme que doivent prendre les festivités. Une commission spéciale a été créée : elle se réunira pour la première fois lundi 6 mai et devra rendre ses conclusions mi-août.

« Caractère “ouest-allemand” »

Que cet anniversaire nécessite un budget supérieur à la moyenne, nul ne le conteste. Le ministre des finances a d’ailleurs dit oui à l’octroi de crédits supplémentaires. Que le ministre de l’intérieur, en revanche, demande en cours d’année une rallonge budgétaire de plusieurs dizaines de millions d’euros, procédure habituellement activée en cas de catastrophes naturelles, voilà qui n’a pas manqué de faire réagir l’opposition.

« Pire management gouvernemental de tous les temps : le ministère de l’intérieur a oublié le jubilé des 30 ans de l’unité allemande », a ainsi commenté Marco Buschmann, secrétaire général du groupe libéral-démocrate au Bundestag. « Que l’anniversaire d’un jour historiquement aussi important n’ait pas été prévu suffisamment à l’avance en dit long sur le caractère extrêmement “ouest-allemand” du ministère de l’intérieur », a quant à lui estimé Dietmar Bartsch, président du groupe Die Linke (gauche radicale), pour qui les millions d’euros réclamés seraient plus utiles au renforcement de l’« unité sociale » du pays qu’à l’organisation d’« une fête de l’unité ».

L’accusation ne doit rien au hasard. Depuis la nomination de M. Seehofer au ministère de l’intérieur, en mars 2018, l’opposition lui fait régulièrement deux reproches. Le premier est de continuer à beaucoup trop s’intéresser à la Bavière, dont il dirigea le gouvernement pendant dix ans. Le second est de se préoccuper quasi exclusivement des questions de sécurité et d’immigration, au détriment des dossiers plus sociaux qu’il a dans son portefeuille : le logement et la cohésion territoriale.