Pour compenser la suppression de niches fiscales pour les entreprises, le gouvernement relance l’idée de baisser les impôts de production. C’est le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qui l’évoque dans un entretien publié dans Les Echos, vendredi 3 mai. « La baisse des impôts de production, plus élevés en France que chez nos voisins, reste un des chantiers clefs à mener, affirme-t-il. Cela suppose aussi une concertation avec les représentants des collectivités locales, car la dimension territoriale est forte. »

La baisse des impôts de production est une vieille revendication du patronat. Ces taxes locales pèsent 80 milliards d’euros par an. « La France est l’un des pays européens dans lequel le poids des impôts sur la production payés par les entreprises est le plus élevé, indique un rapport de 2018 rédigé à la demande de M. Le Maire. Seule la Suède se situe à un niveau supérieur, mais la protection sociale y présente la particularité d’être fortement financée par l’impôt et peu par des cotisations sociales. Ainsi, ces impôts de production représentent près de 3 % du PIB français en 2016, contre 1,6 % en moyenne dans la zone euro. »

C’est aussi un souhait ancien du ministre de l’économie. Mais, le 20 septembre 2018, le premier ministre avait repoussé le chantier : « Nous nous y attaquerons dès que nous aurons recouvré les marges de manœuvre budgétaires », avait dit Edouard Philippe à l’époque. Est-ce donc le cas aujourd’hui ? L’entourage de M. Le Maire se montre prudent. « Si on peut le faire, on aimerait le faire, confie-t-on. On va étudier tout cela et on verra en juin. » C’est-à-dire lorsque seront rendus les arbitrages sur la fiscalité, qui permettront de financer la baisse de 5 milliards de l’impôt sur le revenu annoncée le 25 avril par Emmanuel Macron.

Faire passer la pilule

En attendant, cela peut permettre de faire passer plus aisément la pilule. « Nous demandons aux entreprises un effort à travers la réforme de certaines niches – qui restent à définir – pour financer en partie la baisse de l’impôt sur le revenu, reconnaît Bénédicte Peyrol, députée La République en marche (LRM) de l’Allier. On sait aussi que ce qui pèse sur la compétitivité des entreprises, ce sont les impôts de production. On peut imaginer ouvrir une réflexion en parallèle des niches, mais il faut absolument que les collectivités soient impliquées et être prudent sur le calendrier. »

Maniant le bâton plutôt que la carotte, Gérald Darmanin a invité, lundi 29 avril, les entreprises à aller « dans le sens de l’intérêt général », en citant Karl Marx. « Il faut, a dit le ministre de l’action et des comptes publics, que le patronat aujourd’hui comprenne qu’après avoir beaucoup aidé les entreprises de France, on a aussi besoin qu’elles puissent nous accompagner dans la baisse d’impôt », a-t-il insisté.

Dans le viseur de Bercy

Bercy travaille actuellement sur la question de savoir quelles niches fiscales seront supprimées ou rabotées. Quelques jours après les annonces présidentielles, le premier ministre a immédiatement précisé qu’il n’était pas question de toucher à la plus importante d’entre elles, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE, 19,6 milliards d’euros), ni même à la suivante, le crédit d’impôt recherche (6,2 milliards d’euros).

Dans le même entretien accordé aux Echos, Bruno Le Maire annonce que le gouvernement ne touchera pas non plus à la quatrième : la TVA à 10 % sur la restauration (2,9 milliards d’euros). De là à penser que c’est donc la troisième niche, la TVA à 10 % sur les travaux de rénovation, d’un montant de 3,2 milliards, qui est dans le viseur de Bercy, il n’y a qu’un pas… que Bercy ne franchit pas. « Rien n’est décidé », indique l’entourage de M. Le Maire. En revanche, le « taux réduit de TICPE pour le gazole non routier » (qui concerne le BTP), niche coûtant 1 milliard d’euros à l’Etat, paraît bien être dans le viseur du gouvernement. Sa suppression a été décidée en 2018, avant que le premier ministre ne fasse marche arrière en décembre, en pleine crise des « gilets jaunes ».