Le 26 octobre 2004, une fillette, Cynthia X, circule à grande vitesse sur une chaussée, avec sa trottinette électrique. Elle heurte violemment Marie-Louise Z, 82 ans, qui avait dû descendre du trottoir, du fait qu’il était encombré de véhicules en stationnement, comme le certifiera un témoin. Mme Z est hospitalisée. En juin 2006, elle assigne Nathalie X, mère et représentante légale de Cynthia, afin qu’elle l’indemnise de ses préjudices.

Bien que Nathalie reproche à Marie-Louise d’avoir marché sur la chaussée, la cour d’appel de Nîmes juge, le 23 février 2010, qu’« il appartenait à la conductrice de la trottinette électrique d’adapter sa vitesse aux circonstances de la circulation ». Elle tient sa mère pour responsable de l’accident et la condamne à indemniser le dommage subi par Mme Z, en lui versant quelque 11 500 euros.

Mme X appelle en garantie la Mutuelle assurance de l’éducation (MAE), auprès de laquelle elle avait souscrit une assurance responsabilité civile pour les dommages que sa fille pourrait causer aux tiers. Or, la MAE refuse de jouer, car son contrat prévoit une clause d’exclusion pour « les dommages que cause un véhicule à moteur ». Et, comme le rappellent les magistrats de Nîmes, la trottinette électrique est un « engin à moteur », et non un simple jouet !

Besoin d’information

Mme X tombe des nues. Elle reproche à l’assureur de ne pas l’avoir informée de cette exclusion. Mais la cour d’appel juge que Mme X, en signant son contrat, a « reconnu » avoir pris connaissance de la notice d’information, sur laquelle l’exclusion de garantie était surlignée en jaune… Mme X n’étant pas solvable, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) intervient, au nom de la solidarité nationale, pour indemniser Marie-Louise, puis se retourne contre elle.

Des dossiers de ce genre, le FGAO craint désormais d’en recevoir beaucoup, ainsi qu’il l’a indiqué, lors d’une table ronde qu’il a organisée le 21 mars, sur les « risques » liés aux nouveaux « engins de déplacement personnels » (EDP), encore appelés « nouveaux véhicules électriques individuels » (NVEI), tels que monoroues, gyropodes (deux-roues avec guidon) ou hoverboards (deux-roues sur lequel on se tient debout). Leur usage, en effet, a explosé, depuis 2017 ; or, la majorité des conducteurs ne savent toujours pas que ces véhicules terrestres à moteur doivent être assurés, comme des voitures, en vertu de l’article L 211-1 du code des assurances. Et que la conduite sans assurance constitue un délit, passible d’une amende.

Nouvelles offres

Les vendeurs de trottinettes n’ont, hélas, aucune obligation d’informer leurs clients de cette obligation. Les assureurs les incitent à le faire et développent de nouvelles offres. Ils proposent soit des contrats spécifiques, soit des extensions de contrats d’assurance, habitation ou auto.

Les formules de base, comportant la seule responsabilité civile (dommages causés à autrui) commencent à 50 euros par an. A titre d’exemple, l’assureur en ligne Luko propose un tarif de 4,50 euros par mois.

ll faut naturellement compter plus pour une couverture intégrale, incluant aussi la garantie individuelle du conducteur (dommages causés à soi-même) ; cette dernière, bien que facultative, peut être très précieuse, puisque la majorité des sinistres se produisent pour l’heure sans tiers, selon la Fédération française de l’assurance. Il suffit en effet d’un faux mouvement pour tomber par-dessus le guidon et avoir un traumatisme crânien, surtout si l’on ne porte pas de casque.

Ceux qui empruntent une trottinette en libre-service ont intérêt, eux aussi, à s’assurer, car les conditions générales des opérateurs sont extrêmement floues ; certaines d’entre elles prévoient carrément une décharge de responsabilité en cas d’accident.

Où circuler ?

Les utilisateurs de trottinettes traditionnelles sont considérés comme des piétons, et doivent rouler sur le trottoir. Les utilisateurs de trottinettes électriques, eux, ne sont, pour l’instant, censés circuler nulle part – ni sur la chaussée ni sur le trottoir. En effet, aux termes de l’article L 321-1-1 du code de la route, « le fait de circuler sur les voies ouvertes à la circulation publique ou les lieux ouverts à la circulation publique ou au public avec un cyclomoteur, une motocyclette, un tricycle à moteur ou un quadricycle à moteur non soumis à réception est puni d’une contravention de la cinquième classe », soit 1 500 euros. Ils circulent pourtant partout.

D’ici à la fin du mois de juin, le ministère de l’intérieur devrait publier un décret les autorisant à rouler sur les pistes cyclables et les voies à 30 km/heure, à condition qu’ils soient bridés à 25 km/h. Ce texte devrait préciser qu’ils n’auront pas le droit d’aller sur les trottoirs.

En revanche, le projet de loi d’orientation des mobilités, élaboré par le ministère des transports, et en cours d’examen au Parlement, devrait donner aux maires le pouvoir de déroger aux principes fixés par ce décret.