Des enfants dans la section réservée aux familles étrangères du groupe Etat islamique, au camp d’Al-Hol, en Syrie, le 31 mars. / MAYA ALLERUZZO / AP

Les grands-parents de deux enfants retenus avec leur mère djihadiste dans un camp du Kurdistan syrien, saisissent lundi 6 mai la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour obtenir la condamnation de la France qui refuse de les rapatrier, ont annoncé leurs avocats à l’Agence France-Presse.

« En refusant de rapatrier cette mère et ces deux enfants malades, blessés, et dans un état de faiblesse extrême, (…) la France expose consciemment et délibérément ceux-ci à des traitements inhumains et dégradants, violant ainsi l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme », dénoncent Mes Marie Dosé, Henri Leclerc, Catherine Bauer-Violas et Denis Garreau.

L’équipe de défense invoque pour la première fois une autre disposition : la décision de la France « constitue une violation du paragraphe 2 de l’article 3 du Protocole numéro 4 selon lequel nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’Etat dont il est ressortissant », écrivent les conseils, qui s’appuient sur le travail de deux universitaires, Aurélien Godefroy et Sébastien Touzé.

Selon eux, cette disposition consacre « l’existence d’un droit absolu de cette mère et de ces deux enfants à revenir dans leur propre pays ».

Rapatriement « au cas par cas »

Ce garçon de 3 ans et cette fille de 4 ans ont été blessés avec leur mère dans la bataille de Baghouz, dernier réduit du groupe Etat islamique en Syrie enlevé le 23 mars par la coalition arabo-kurde. Tous trois sont retenus depuis trois mois dans le camp d’Al-Hol (nord-est), où vivent plus de 73 000 personnes selon les Nations unies, dont 12 000 étrangers de familles djihadistes étroitement surveillés.

Des femmes et leurs enfants à l’intérieur du camp de personnes déplacées d’Al-Hol, au nord-est de la Syrie, le 18 avril. / DELIL SOULEIMAN / AFP

« Des épidémies de choléra, de tuberculose et de dysenterie se propagent dans ce camp » pour lequel plusieurs ONG internationales ont tiré la sonnette d’alarme, rappelle le communiqué des avocats. Ces deux enfants « ne bénéficient d’aucun soin, sont exposés à la maladie, sont malnutris, et souffrent de dysenterie. Leur mère (…) très amaigrie, souffre d’une fièvre typhoïde sévère qui n’est pas soignée ».

La mère, visée par mandat d’arrêt d’une juge antiterroriste française, a « confirmé sa volonté de voir rapatrier ses enfants (…) et souhaite assumer sa responsabilité pénale sur le territoire français ». Plusieurs recours d’avocats d’autres Français retenus en Syrie ont été tentés depuis un an devant la justice administrative française pour contraindre l’Etat à rapatrier ses ressortissants, sans succès.

Des enfants jouent dans une flaque de boue, dans le camp d’Al-Hol, en Syrie, le 31 mars, où se propagent le choléra et la tuberculose. / MAYA ALLERUZZO / AP

Le gouvernement refuse en effet de ramener les djihadistes, hommes et femmes, affiliés à l’EI. Il n’a accepté jusqu’ici de rapatrier les enfants qu’au « cas par cas ». Cinq orphelins sont ainsi revenus le 15 mars et une fillette de trois ans le 27 mars, dont la mère a été condamnée à la perpétuité en Irak.

Des documents, révélés par Libération et consultés par l’AFP, témoignent que les autorités ont détaillé un plan de rapatriement global de jihadistes et de leurs familles. Il n’a toutefois pas été mis en œuvre, tandis que des pays comme la Russie et le Kosovo ont rapatrié des enfants et des femmes.