Matthijs de Ligt, à Madrid le 5 mars. / GABRIEL BOUYS / AFP

Voilà l’un des rares records de précocité qui échappera à Kylian Mbappé. En portant le brassard lors du succès de son équipe à Tottenham (0-1) le 30 avril, le défenseur central Matthijs de Ligt est devenu, à 19 ans et 261 jours, le plus jeune capitaine à disputer une demi-finale de Ligue des champions. Il était déjà devenu, en 2017, le plus jeune joueur à disputer une finale de Coupe d’Europe – la Ligue Europa face à Manchester United – à seulement 17 ans et 285 jours.

Au-delà des chiffres, l’imposant jeune homme – il mesure 1,89 m – au visage juvénile et au corps encore en construction a surtout prouvé cette saison qu’il sera, s’il ne l’est pas déjà, l’un des meilleurs défenseurs au monde. Et l’Ajax Amsterdam aura bien besoin de lui pour conserver le résultat acquis il y a une semaine sur la pelouse de Tottenham lors du match retour de la demi-finale de la Ligue des champions, mercredi 8 mai, à la Johan-Cruyff Arena d’Amsterdam.

Matthijs de Ligt possède tous les attributs du défenseur moderne. Aussi fort du pied gauche que du droit, avec une excellente variété de passes, intraitable au marquage et dans le jeu aérien. Besogneux et âpre dans les duels, il inspire désormais la crainte de ses adversaires. Autant de qualités qui ont attisé la convoitise des plus grands clubs européens pour un joueur dont la valeur marchande est estimée à plus de 70 millions d’euros.

La réussite de De Ligt semblait pourtant tout sauf évidente. Dans un portrait que lui a consacré le site Sofoot.com, sur les traces de ses débuts, il apparaît que le jeune homme se destinait plutôt au hockey sur gazon (comme sa mère) et qu’il s’était mis au football sur le tard. « Sa maîtresse à l’école primaire me racontait que tous ses camarades de classe jouaient au foot, mais que Matthijs ne voulait pas en être », a expliqué son père, Frank, dans une interview à Ajax Showtime, traduite par So Foot.

Un gamin « grassouillet » qui courait « comme un éléphant »

Né à Leiderdorp, dans la banlieue de la ville de Leyde, de Ligt fait ses premiers pas au FC Abcoude, dans le sud d’Amsterdam, à seulement dix minutes de la Johan-Cruyff Arena. Il est repéré par des scouts (recruteurs) de l’Ajax et intègre à 9 ans De Toekomst (« le futur »), nom du centre de formation de l’Ajax. « Quand j’ai débarqué là-bas, on m’a directement emmené chez la diététicienne », avouait-il à NRC Handelsblad, quotidien du soir néerlandais. Décrit comme « grassouillet », le jeune Matthijs doit mettre un frein à ses envies de fricadelle après les matchs.

« Matthijs n’était pas un talent naturel », relate Ruben Jongkind, un des patrons de la formation de l’Ajax à l’époque, dans So Foot : « Il courait comme un éléphant, il n’était pas dynamique, il ne savait pas se retourner vers le jeu. Heureusement pour lui qu’il est arrivé très tôt à De Toekomst. »

Pris en charge par les formateurs de l’Ajax, le jeune garçon travaille sa vitesse et son explosivité et adopte un mode de vie professionnel sous la houlette, notamment, de Bram Som, ancien champion d’Europe du 800 m.

Taiseux et introverti, le jeune Matthijs de Ligt ne laisse pas non plus transparaître les qualités qui feront de lui le futur capitaine des Lanciers. Il préfère dévorer des ouvrages sur l’histoire de l’Ajax aux sorties en boîte de nuit. Ecouter plutôt que parler. Mais il en impose par sa stature et son calme.

Ses éducateurs décident aussi de le tester au milieu de terrain, bien qu’il n’ait pas les qualités requises pour évoluer à ce poste. Ce changement n’est pas bénéfique à l’équipe, mais Matthijs de Ligt améliore ainsi sa technique, sa qualité de passe et sa vision du jeu, qui permettent aujourd’hui à l’Ajax de rayonner en Europe.

Surclassé tout au long de sa formation, il effectue ses débuts professionnels le 21 septembre 2016 pour la rencontre face à Willem II. Son ascension est fulgurante et il honore sa première sélection avec les Pays-Bas le 25 mars 2017 contre la Bulgarie, à seulement 17 ans (et 225 jours). Là encore, un record.

Au Bayern ou au Barça ?

« Il sera le meilleur défenseur central du monde dans deux ans », déclarait alors son sélectionneur, Ronald Koeman. En 2018, il succède à Kylian Mbappé au palmarès du Golden Boy, trophée décerné par le quotidien sportif italien Tuttosport. Il devient ainsi le premier défenseur à obtenir ce prix honorifique habituellement octroyé aux attaquants.

Matthijs de Ligt cumule désormais 15 sélections avec les Oranje et 100 matchs avec l’Ajax Amsterdam. Il forme aujourd’hui avec Virgil van Dijk, élu joueur de l’année en Angleterre, la paire de défenseurs centraux la plus prometteuse au monde.

A l’instar de plusieurs de ses (jeunes) coéquipiers, de Ligt pourrait quitter le club amstellodamois à la fin de la saison. Le Bayern Munich et le FC Barcelone sont les deux destinations les plus régulièrement citées.

Le club catalan, qui a déjà recruté son compère du milieu de terrain Frenkie de Jong pour 75 millions d’euros, semble avoir sa préférence. Il y retrouverait un certain Luis Suarez, avec qui il posait en photo lorsque l’Uruguayen évoluait encore à l’Ajax.

Ce départ anticipé est totalement assumé par la direction du club hollandais, qui s’attend à un exode de ses meilleurs joueurs cet été : « Fais tes preuves avec l’Ajax, essaye d’intégrer la sélection et après tu peux partir, expliquait le directeur général de l’Ajax, Edwin van der Sar, au Monde avant la double confrontation face à la Juventus. Avec Frenkie de Jong, ils ont montré au monde ce qu’ils étaient capables de faire. C’est gratifiant pour leurs entraîneurs, pour les scouts, et évidemment pour eux-mêmes. »

Les jeunes Lanciers ont d’abord un rêve commun à réaliser avant de s’éparpiller aux quatre coins de l’Europe. « On a grandi avec l’ADN de l’Ajax, confiait Matthijs de Ligt à Sky Italia avant la confrontation face à Tottenham. On n’a pas de stars, on est une équipe. »

S’il a beau être le défenseur le plus convoité du Vieux Continent, le prodige batave ne tire pas la couverture à lui : « Je pense uniquement à l’Ajax. Je suis juste un garçon normal et en demi-finale de la Ligue des champions. » Avec presque un pied en finale. Et un avenir qui s’annonce tout sauf normal.