Le doute sur les adjuvants aluminiques s’appuie notamment sur les travaux de l’équipe du professeur Romain Gherardi de l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil. / GEORGES GOBET / AFP

Dans deux décisions rendues lundi 6 mai, le Conseil d’Etat a rejeté les deux requêtes déposées par des collectifs de citoyens sur les vaccins obligatoires, suivant ainsi les conclusions présentées par le rapporteur public à l’audience du 10 avril.

La première requête, introduite par la Ligue nationale pour la liberté des vaccinations, critiquait le principe même du passage de trois à onze vaccins obligatoires décidé par la ministre de la santé, Agnès Buzyn, pour les nourrissons nés après le 1er janvier 2018. La Ligue s’appuyait notamment sur le droit au respect de la vie privée contenu dans l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme pour justifier sa demande.

Mais le Conseil d’Etat rappelle qu’une ingérence dans ce droit à la vie privée « peut être admise (…) si elle est justifiée par des considérations de santé publique ». Or, à l’appui de leur décision, les juges ont repris une à une les maladies concernées par ces onze vaccins obligatoires. Ces infections sont soit « contagieuses », voire « très contagieuses », soit « graves », « aiguës », ou « peuvent mettre en jeu le pronostic vital », rappellent-ils. Et, « à la différence de la situation constatée dans d’autres pays européens », le niveau de la couverture vaccinale, en France, « restait insuffisant » pour la plupart des vaccins qui faisaient seulement l’objet d’une recommandation. Pour cette raison, notamment, et dans le but d’améliorer la couverture vaccinale pour « atteindre le seuil nécessaire à une immunité de groupe au bénéfice de l’ensemble de la population », les juges considèrent que la restriction au droit au respect de la vie privée est ici « justifiée », validant ainsi l’extension vaccinale décidée par la ministre.

La question des adjuvants aluminiques

La seconde requête, présentée par l’Institut pour la protection de la santé naturelle (IPSN) et un collectif de 3 047 personnes, dénonçait la présence d’adjuvants à l’aluminium dans les préparations et demandait à la ministre de la santé d’exiger des industriels de mettre sur le marché un nombre suffisant de vaccins dont les adjuvants seraient moins sujets à caution – le phosphate de calcium, par exemple. Le doute sur les adjuvants aluminiques s’appuie notamment sur les travaux de l’équipe du professeur Romain Gherardi de l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil, qui, en 1998, a décrit la myofasciite à macrophages et établi un lien entre la vaccination et l’apparition des symptômes de cette maladie (fatigue chronique souvent associée à des troubles cognitifs) chez certaines personnes, dont l’organisme ne parviendrait pas à éliminer les sels d’aluminium injectés.

Pour justifier le rejet de cette requête, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé que ni l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ni aucune société savante, comme l’Académie nationale de médecine, le Haut Conseil de la santé publique ou l’Académie nationale de pharmacie, n’a, « à ce jour », établi dans ses travaux récents, de lien de causalité entre les adjuvants aluminiques et une maladie auto-immune. Et « ces adjuvants, utilisés depuis 1926 », « bien tolérés et très efficaces », « ne pourraient être remplacés dans l’immédiat » par des adjuvants à base de phosphate de calcium « abandonnés depuis une trentaine d’années », ajoutent-ils. En conséquence, les juges estiment qu’« en l’état des connaissances scientifiques, les vaccins contenant des adjuvants aluminiques ne peuvent être qualifiés » comme nocifs ou comme des produits dont le rapport bénéfice-risque ne serait pas favorable.

Financer des travaux sur les adjuvants

Toutefois, et c’est ce qui satisfait tout de même Me Jacqueline Bergel, l’avocate de l’IPSN spécialiste du droit des consommateurs, à l’origine de cette requête, le Conseil d’Etat rappelle qu’« il appartient au ministre de la santé (…) de veiller (…) au maintien d’un haut degré d’expertise publique et à la poursuite des recherches et études » susceptibles d’améliorer les connaissances sur la présence d’aluminium dans les vaccins et « les possibilités de recours à d’autres adjuvants ».

En septembre 2017, à la suite des révélations par Le Parisien d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) sur des travaux de l’équipe du professeur Romain Gherardi, Alain-Michel Ceretti, membre du conseil d’administration de l’Agence de santé et président de France Assos Santé, qui fédère les associations d’usagers et de patients, ne disait rien d’autre. Il rappelait la nécessité de financer des travaux sur les adjuvants aluminiques pour en savoir plus sur ce qui se passe chez l’homme. Et il se disait d’ailleurs étonné, voire choqué, que, depuis mars – date à laquelle le conseil scientifique de l’Agence avait rendu cet avis –, aucune nouvelle étude n’ait été entreprise.

Pourquoi les vaccins sont-ils obligatoires ?
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