Difficile d’y voir une coïncidence. Alors que la chef de file des sociaux-démocrates, Mette Frederiksen, hospitalisée pour cause de gastro-entérite aiguë, venait d’annoncer qu’elle renonçait à participer au duel télévisé qui devait l’opposer au premier ministre, Lars Lokke Rasmussen, le soir même, celui-ci a profité de son passage au Parlement, mardi 7 mai, pour convoquer les prochaines élections législatives, qui auront finalement lieu le 5 juin.

Pour le chef du gouvernement et leader des libéraux (Venstre), la tâche s’annonce compliquée. « Il faudrait un miracle pour que la droite l’emporte », estime le journaliste politique Thomas Larsen. En décidant de ne pas faire coïncider les législatives avec les élections européennes, c’est visiblement ce qu’espère le premier ministre.

Selon le dernier sondage publié le 2 mai, la gauche obtiendrait 51,8 % des voix contre 41,9 % pour la droite libérale conservatrice, actuellement au pouvoir, avec le soutien du Parti du peuple danois (Dansk Folkeparti, DF), situé à l’extrême droite. La formation de Lars Lokke Rasmussen est créditée de 18,4 % des voix, tandis que les sociaux-démocrates sont annoncés à 24,7 %, en léger recul sur les dernières enquêtes d’opinion, qui leur donnaient plus de 25 % des votes.

De multiples compromis

Ces quatre dernières années ont été particulièrement éprouvantes pour le patron des libéraux, contraint à de multiples compromis par ses partenaires au sein de la coalition gouvernementale – l’Alliance libérale et les Conservateurs – mais également le DF. Les uns exigeant des baisses d’impôts quand les autres demandaient un nouveau durcissement de la politique migratoire.

La droite paie également le prix de la politique d’austérité budgétaire menée par les gouvernements successifs depuis 2010, selon le politologue Jorgen Goul Andersen :

« Alors que les besoins explosent, notamment en raison du vieillissement rapide de la population, les dépenses publiques, en hausse de 1,8 % par an et per capita entre 1992 et 2010, n’ont progressé que de 0,1 % depuis 2010, ce qui suscite une grosse insatisfaction. »

Grâce à son recentrage à gauche en matière de politique économique, opéré par Mette Frederiksen depuis son arrivée à sa tête en 2015, le parti des sociaux-démocrates a repris la main sur le thème de la défense du modèle social danois. « Cela lui donne un avantage dans le débat sur la santé, de la protection sociale ou des retraites », note Jorgen Goul Andersen. Autant de sujets qui devraient, selon lui, dominer la campagne électorale.

Immigration et intégration

Autre thème récurrent de la vie politique danoise : l’immigration et l’intégration. Dans ce domaine aussi, les sociaux-démocrates ont opéré un revirement idéologique depuis 2015, au point qu’il soit désormais difficile de distinguer leur programme de celui des Libéraux ou du DF.

Ce virage à droite s’est d’ailleurs accompagné d’un rapprochement avec le DF, inédit jusque-là pour les sociaux-démocrates, qui avaient toujours pris soin de marquer leur distance avec le parti nationaliste et anti-immigration. Résultat : « Pour la première fois depuis très longtemps, les sociaux-démocrates parviennent à reprendre l’avantage auprès des électeurs indécis », note Thomas Larsen.

Une stratégie cependant qui ne fait pas l’unanimité à gauche, souligne le politologue Rune Stubager, et « pourrait compliquer les négociations après les élections, dans un paysage politique morcelé ». Car les alliés traditionnels des sociaux-démocrates, en forte progression dans les sondages, ont déjà fait savoir qu’ils refuseraient de soutenir la candidature de Mette Frederiksen au poste de premier ministre si elle ne coupait pas les ponts avec DF et n’assouplissait pas la politique migratoire du royaume.

Le DF annoncé déjà comme le grand perdant

De son côté, Kristian Thulesen Dahl, patron du DF, assure que la réélection de Lars Lokke Rasmussen reste son « plan A » et met en garde les électeurs qui seraient séduits par le changement de ton des sociaux-démocrates sur l’immigration et l’intégration. Mais à 12,1 % dans les sondages, contre 21,1 % en 2015, le DF s’annonce déjà comme le grand perdant du scrutin, concurrencé sur sa droite par deux nouvelles formations.

Créé en 2015 par la conservatrice Pernille Vermund, le parti Nye Borgerlige (la « Nouvelle Droite ») est crédité de 2,7 % des voix, tandis que Stram Kurs (« Ligne dure ») est annoncé à 2,6 %. La formation fondée en 2017 par l’islamophobe Rasmus Paludan, jusque-là actif sur les réseaux sociaux, a créé la surprise en rassemblant au dernier moment les 20 000 signatures nécessaires à sa participation aux élections.

Un exploit qui va lui permettre d’obtenir une visibilité inespérée pendant la campagne électorale. Mais pourrait aussi torpiller l’extrême droite si aucune des deux petites formations ne parvient à obtenir plus de 2 %, le seuil nécessaire pour entrer au Parlement, tout en affaiblissant le score du DF.