Javier Tebas, président de la Ligue espagnole, à Singapour, en 2017. / ROSLAN RAHMAN / AFP

A l’invitation de l’Association des ligues européennes de football (EPFL) et de la Ligue espagnole, plus de 200 clubs, dont une vingtaine d’équipes françaises – à l’exception du Paris-Saint-Germain, favorable au projet – devaient assister, mardi 7 mai, à Madrid, à une « réunion d’information pour la défense des championnats nationaux ». Ce « sommet » vise à informer les clubs des conséquences que pourrait avoir le projet de réforme de la Ligue des champions, à partir de la saison 2024-2025, initié par l’Association européenne des clubs (ECA) et son président, l’Italien Andrea Agnelli. Emblématique patron de la Ligue espagnole, Javier Tebas explique au Monde pourquoi il s’oppose à une telle réforme.

Quel regard portez-vous sur le projet de réforme initié par l’ECA ?

Tout le monde devrait être très inquiet pour l’avenir du football européen. En réalité, l’ECA ne représente que les intérêts des plus grands clubs et tente de transformer la Ligue des champions en une « Super Ligue » européenne fermée. C’est une menace pour le football européen en général pour diverses raisons.

Tout d’abord, cela persiste sur la mauvaise voie de la concentration des richesses entre quelques clubs, faisant du football un sport pour les élites. Par conséquent, l’inégalité entre les clubs et le déséquilibre compétitif se creuseront. Plusieurs ligues européennes, par exemple au Portugal et en Italie, ne sont déjà pas équilibrées. Cela devrait être corrigé au lieu d’être détérioré.

De plus, les propositions que nous avons entendues impliquent que les compétitions européennes soient élargies avec davantage de matchs, y compris les week-ends. Parallèlement, les ligues nationales seraient obligées de réduire leur nombre de clubs de 20 à 18 en première division. Cela va gravement endommager, voire détruire, le football français, le football espagnol, le football anglais et d’autres ligues nationales à travers le continent.

Les clubs perdront une valeur économique importante alors que les revenus de la vente de billets, des droits de diffusion et du sponsoring s’effondreront. Les clubs n’appartenant pas à l’élite ne seront pas en mesure de « s’affronter » pour acheter les meilleurs joueurs.

Selon vous, pourquoi M. Agnelli, voire Aleksander Ceferin (le président de l’Union des associations européennes de football), veulent-ils mettre en place cette réforme ?

Publiquement, on ne sait pas ce qu’ils proposent mais, en secret, on sait que les dirigeants des grands clubs de l’ECA travaillent et communiquent avec Ceferin. Ils devraient avoir conscience des conséquences de leurs projets pour le football européen, y compris pour leur propre club. Ils ne connaissent pas leurs propres supporteurs.

C’est une erreur de penser, à court terme, que la création d’une super ligue apportera plus d’avantages économiques à quelques grands clubs. En réalité, les grands clubs de cette nouvelle ligue seront aussi perdants à long terme, car leurs supporteurs se sentiront mis à l’écart. Ces derniers ont l’habitude de voir leur club remporter la compétition et être compétitif dans leur championnat.

La Ligue des champions est une friandise délicieuse, pas le plat principal. Les fans ne voudront pas voir des matchs internationaux réguliers lors desquels leurs équipes disputeront les 7e ou 10e places dans cette nouvelle Ligue des champions sans aucune chance de la gagner. Les fans de longue date vont se détourner de leur club.

Quel regard portez-vous sur l’autre réforme attendue, celle de la Coupe du monde des clubs, à partir de 2021, élargie à 24 équipes et voulue par Gianni Infantino, le président de la Fédération internationale de football (FIFA) ?

Mon travail, en tant que président de la Liga, est de protéger la ligue nationale. En tant que membre du conseil d’administration de l’EPFL, mon rôle est de protéger les ligues nationales européennes de football. Lorsque nous voyons les projets de la CEA et comparons ceux-ci avec la Coupe du monde des clubs, il est clair que les projets de la FIFA pour une compétition tous les quatre ans en été sont beaucoup plus compatibles avec les ligues nationales. C’est pourquoi j’appuie les projets de la FIFA.