François lors d’un rassemblement œcuménique avec des jeunes, à Skopje (Macédoine du Nord). / Alessandra Tarantino / AP

Les premiers pas d’un pape en Macédoine du Nord, mardi 7 mai, ont conduit François vers mère Teresa. Cette religieuse, qui a consacré sa vie aux plus démunis et aux mourants, notamment à Calcutta (Inde), personnifie, pour le pontife argentin, qui l’a canonisée en 2016, l’abnégation et le don de soi au nom de Dieu. La Prix Nobel de la paix est en effet née Anjezë Gonxhe Bojaxhiu à Skopje, en 1910, d’une famille albanaise.

Dans la capitale macédonienne, un petit édifice à la façade recouverte d’une fresque d’oiseaux blancs volant sur fond bleu a été érigé récemment à l’emplacement de l’église de son baptême. Alliage de styles européen et indien, il recèle quelques objets ayant appartenu à la religieuse, et fait office de mémorial.

Dans la chapelle située au deuxième étage, le chef de l’Eglise catholique s’est recueilli devant une relique de la sainte, entouré de représentants de toutes les confessions du pays, orthodoxes compris. Puis dans la cour, près d’une grande statue de celle qui fut la fondatrice de la congrégation des missionnaires de la Charité, il a rencontré des sœurs, reconnaissables à leur vêtement blanc à trois bandes bleues rappelant un sari, et une centaine de personnes aidées par elles. Cette figure du XXe siècle a « inauguré une manière spécifique et radicale de se mettre au service des personnes abandonnées, marginalisées, des plus pauvres », a commenté François.

Le souhait d’une « intégration » européenne

Le pape François s’est appuyé sur la figure de cette religieuse pour exhorter les Macédoniens, après les Bulgares dimanche et lundi, à avoir confiance en l’avenir et à s’engager au service de leurs communautés. Comme s’il avait voulu redonner espoir et envie de demeurer sur place aux habitants de deux pays parmi les plus pauvres d’Europe, marqués par une forte émigration et, pour la Macédoine du Nord, désireuse d’intégrer l’Union européenne.

A son arrivée à Skopje, François a d’ailleurs fait référence aux ambitions européennes de la Macédoine du Nord, renforcées depuis que, fin 2018, le pays a trouvé un compromis avec la Grèce, qui contestait l’usage par son voisin du nom d’une de ses propres régions. Devant les autorités politiques, il a souhaité que « l’intégration » de la Macédoine du Nord « avec les pays européens » se « développe positivement pour toute la région des Balkans occidentaux, et qu’elle se réalise également toujours dans le respect de la diversité et des droits fondamentaux ».

Ce changement de nom a d’ailleurs divisé le pays. Le président sortant y a fait référence dans son discours de bienvenue. « Vous arrivez à un moment où la société macédonienne est profondément divisée, et la Macédoine durement blessée par des promesses trahies, des attentes trompées et une confiance chancelante dans la communauté internationale », a dit Gjorge Ivanov, quelques jours après l’élection de son successeur, le social-démocrate Stevo Pendarowski.

Cela n’a pas empêché le pontife de faire de la Macédoine, « creuset de cultures et d’appartenances ethniques et religieuses » ayant « donné lieu à une cohabitation pacifique et durable, dans laquelle chaque identité a su ou pu s’exprimer et se développer sans nier, opprimer ou discriminer les autres », « un exemple de référence pour une cohabitation sereine et fraternelle, dans la distinction et dans le respect réciproque ».

Eloge de l’optimiste

La veille, improvisant devant la communauté catholique de Rakovsky, en Bulgarie, il avait fait l’éloge de l’optimiste, « un homme ou une femme qui crée de l’espérance dans la communauté », tandis que le pessimiste ne « fait jamais rien de bien et ruine tout ». A Skopje aussi il a conjuré les jeunes de s’engager, de faire des projets et de fuir le renoncement et la fatalité. « Rêver n’est jamais de trop. Un des principaux problèmes d’aujourd’hui et de tant de jeunes, est qu’ils ont perdu la capacité de rêver. Et quand une personne ne rêve pas, quand un jeune ne rêve pas, cet espace est occupé par la plainte et la résignation. Rêvez, et rêvez en grand ! », a-t-il lancé aux jeunes participants d’une rencontre interreligieuse, en leur donnant en exemple mère Teresa. « Et rêvez ensemble, pas seuls, pas contre les autres. Rêvez en communauté ! », a-t-il ajouté.

Trois jeunes de confessions différentes ont témoigné devant lui de leur bonne entente avec les personnes d’autres religions et de leur volonté de demeurer au pays pour participer à sa construction, quand d’autres choisissent d’émigrer.

« Le monde est fatigué, le monde est divisé et il semble avantageux de le diviser et de nous diviser encore plus. Cela me donne tant d’espérance de voir des jeunes qui démentent les étiquettes préfabriquées et qui ne supportent plus les divisions du passé et du présent, et qui vont au-delà ; qui n’acceptent pas la logique du déchet et qui osent prendre des risques ; des jeunes qui consacrent du temps à servir les pauvres, à défendre la vie humaine, à promouvoir la famille ; des jeunes qui ne se résignent pas à la corruption et luttent pour l’égalité ; des jeunes qui voient la maison commune malade et qui s’engagent à la rendre plus propre. »

En milieu de journée, quelque 15 000 personnes de toutes les religions implantées dans les Balkans avaient assisté à la messe, sur une place de Skopje, alors que les catholiques ne sont qu’une toute petite minorité – à peine 1 % – d’une population de 2 millions d’habitants en Macédoine du Nord. De nombreux participants étaient venus tout exprès de pays alentours, notamment d’Albanie, de Grèce et de Croatie.