Le Monde

« Les Tribulations d’un Chinois en Chine », suivi d’« Hier et demain », de Jules Verne, Le Monde, 392 p., 10 €. En kiosque.

A la différence des deux pôles (des Aventures du capitaine Hatteras au Sphinx des glaces, 1866 et 1897), de l’Afrique du Maghreb au Cap (d’Hector Servadac à L’Etoile du Sud, 1877 et 1884) et de l’Amérique latine (des ­Enfants du capitaine Grant à Superbe Orénoque, 1868 et 1898), « ces pays fantastiques de la Chine et du Japon » n’ont guère tenté Jules Verne. Si l’on excepte l’étape nippone du Tour du monde en quatre-vingts jours (1873), qui nous permet de visiter Yokohama, son « architecture étrange », ses rues « interminables », ou Pékin, étape ultime du périple ferroviaire de Claudius Bombarnac (1892), il n’est guère que ces Tribulations d’un Chinois en Chine pour s’inscrire pleinement dans cadre et la culture d’un pays d’Asie.

Echapper à la mort

Paru en 1879, somptueusement illustré par Léon Benett (et bénéficiant d’une mythique adaptation cinématographique de Jean-Paul Rappeneau, en 1965, riche du trio Andress-Belmondo-Rochefort), le récit en demeure fort singulier. King-Fo, pur Chinois (sans une goutte de sang tartare, précise Verne), riche dandy, oisif et mol, vivant sous la tutelle amicale de son maître Wang, apprend soudain qu’il est ruiné. Aux fins de ­mettre à l’abri du besoin sa fiancée Lé-Ou, il souscrit à son nom et à celui de Wang un contrat d’assurance-vie et commandite son assassinat. Apprenant que, en réalité, sa ruine est une chimère, il tente de faire machine arrière, mais vainement. Kin-Fo ignore qui va le tuer et quand.

Aidé de son valet Soun, de Craig et de Fry, les deux détectives missionnés par la compagnie d’assurances, il sillonne la Chine pour échapper à la mort. Un final spectaculaire, aux parages de la Grande Muraille, mettra fin à ses angoisses. Outre l’évocation d’une Chine raffinée tant en matière de gastronomie que de musique ou d’ameublement, le roman pose, avec Kin-Fo, la question de l’acculturation (comment concilier le respect des coutumes locales avec la fascination occidentale) et des vertus virilisantes de la peur et de l’épreuve.

« Le Monde » présente les « Voyages extraordinaires » de Jules Verne dans la collection Hetzel, sur le Net et sur YouTube