Une boutique Gucci à Paris, le 18 décembre 2017. / Charles Platiau / REUTERS

Le géant français du luxe Kering a annoncé avoir conclu jeudi 9 mai un accord avec le fisc italien qui le conduira à payer un « montant d’impôts supplémentaire » de 1,25 milliard d’euros, pénalités et intérêts compris, dans le cadre d’une procédure pour fraude fiscale concernant sa marque Gucci. Cette somme est proche des 1,4 milliard d’euros évoqués en janvier, tirés d’une estimation des autorités fiscales de la Péninsule, dans le cadre d’une enquête du parquet de Milan, entamée fin 2017 et portant sur des soupçons de déclaration en Suisse d’activités menées par le groupe en Italie.

Aux termes de cet accord, précise un communiqué, Kering « reconnaît que les réclamations soulevées par l’audit fiscal concernaient d’une part l’existence d’un établissement stable en Italie sur la période 2011-2017, avec les profits associés, et d’autre part, les prix de transfert intra-groupe appliqués pour la même période entre Luxury Goods International (LGI) », l’une de ses filiales suisses, « et Guccio Gucci ». Le parquet de Milan estimait que Kering avait facturé pour le compte de LGI, sa plate-forme logistique située en Suisse, des activités en fait réalisées en Italie, afin de bénéficier d’une fiscalité plus favorable.

Témoignage d’un ancien cadre de Kering

Le groupe de François-Henri Pinault et son fleuron Gucci faisaient l’objet d’une enquête fiscale du parquet de Milan depuis la fin 2017. Une enquête est partie du témoignage d’un ancien cadre de Kering, Carmine Rotondaro, lui-même accusé de fraude fiscale. Ancien responsable mondial des programmes immobiliers du groupe, cet Italien a alimenté l’enquête du parquet de Milan avec des documents internes récupérés avant son licenciement, en 2015.

Comme l’a détaillé Mediapart en mars 2018, Gucci est soupçonné d’avoir détourné pendant plusieurs années une grande partie de ses profits italiens vers une filiale en Suisse, en vertu d’un accord fiscal avec le canton du Tessin. Selon le site d’information, Kering et plusieurs de ses filiales auraient ainsi économisé au total plus de 2,5 milliards d’euros d’impôts depuis 2002, « pour l’essentiel au préjudice du fisc italien, mais aussi de la France et du Royaume-Uni ».

L’entreprise Yves Saint Laurent soupçonnée en France

Le groupe français assurait en mars 2018 que les transferts de trésorerie vers la Suisse correspondent à l’activité réelle d’un entrepôt employant plus de 600 salariés. Et ajoutait alors que « ce modèle d’exploitation est connu des autorités fiscales françaises et des autres autorités fiscales compétentes ». Mais cette défense a été affaiblie par une découverte de taille : Gucci aurait transféré fictivement une vingtaine de cadres vers la Suisse pour justifier de l’activité de sa filiale, alors qu’ils travaillaient, en réalité, en Italie.

En France, Kering aurait utilisé des montages similaires pour économiser au moins 180 millions d’euros d’impôts en huit ans au profit de ses filiales Yves Saint Laurent (YSL) et Balenciaga. Si Bercy a lancé un contrôle fiscal en 2016 sur YSL, aucune enquête judiciaire n’avait été ouverte côté français en juin 2018.

Quel serait l’impact de la fraude fiscale dans la vraie vie ?
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