A l’Assemblée nationale, jeudi 9 mai, l’heure était quasiment à l’union nationale face aux Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Un consensus rare suscité par l’adoption de la loi instituant un droit voisin, inspiré du droit d’auteur, au profit des éditeurs et des agences de presse. Quatre-vingts députés – hormis celui de La France insoumise Michel Larive, qui a regretté un texte « flou » et prédit une « grande reddition en rase campagne » face aux Gafam en raison de l’absence de garde-fous – ont voté en faveur de ce texte au nom de la défense d’un secteur bousculé par la révolution numérique et au nom de la démocratie. « Face aux Gafam, il ne peut y avoir de calcul politicien ou de subtilités tacticiennes, il faut que nous soyons tous ensemble », a déclaré le rapporteur de la loi, le député MoDem Patrick Mignola.

Le texte oblige les « infomédiaires » à payer l’exploitation sur le Net des articles, photos ou vidéos, hors courtes citations (« snippets ») ou hyperliens. « C’est une belle avancée que nous devons à l’Union européenne », a souligné Patrick Mignola, qui y voit un « troisième pilier » dans la régulation des Gafam avec leur taxation et la lutte contre les « fake news ». « La gratuité de l’information est un mythe, la presse a besoin de ressources propres pour garantir son indépendance, son dynamisme et sa liberté. Il y a urgence à agir et à légiférer pour rééquilibrer le partage de la valeur », a déclaré pour sa part Aurore Bergé, députée La République en marche.

« Un partage égal »

Adopté à l’unanimité d’abord au Sénat en janvier à l’initiative du socialiste David Assouline, le texte transpose l’article 15 de la directive européenne sur le droit d’auteur adoptée définitivement en avril après plus de deux ans de débats et de campagnes de lobbying de part et d’autre. Les députés ont tenu compte de la directive en fixant également à deux ans le montant des droits voisins, au lieu des cinq ans fixés par le Sénat.

Le texte ne précise pas néanmoins les modalités ni le montant, qui devront être définis par la négociation entre les Gafam et les organes de presse. Il reste donc désormais aux éditeurs et aux agences de s’unir pour négocier face à Google et Facebook, qui captent une grande part des revenus de la publicité numérique (en 2016, 2,4 milliards d’euros sur 3,5 milliards d’euros, en France). Et aux patrons de presse d’en faire bénéficier les journalistes pour une rémunération « appropriée et équitable », selon les termes de la loi.

Les députés ont prévu une commission administrative de recours en cas d’échec des négociations entre les employeurs et les journalistes. Les syndicats réclament, eux, « un partage égal ».

« On ne peut donc qu’appeler à la responsabilité des acteurs, à la fois dans la négociation, mais également, au lendemain, pour définir la part équitable qui devra revenir aux journalistes qui créent les contenus, dans le cadre de cette transposition », a souligné M. Mignola.

La loi prévoit ainsi, dans son article 3, la possibilité d’un organisme de gestion collective, soit pour négocier face aux plates-formes, soit pour répartir ces nouveaux revenus. L’Etat pourra aussi intervenir si jamais aucun accord ne se dégageait avec les Gafam. Le texte sera adopté définitivement une fois qu’il sera repassé devant le Sénat.

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