Manon Aubry et Jean-Luc Mélenchon, le 11 mai à Marseille. / GERARD JULIEN / AFP

Il n’y a pas que La République en marche (LRM) et le Rassemblement national (RN) qui souhaitent rejouer la présidentielle de 2017. La France insoumise (LFI) – même si elle s’en défend – semble bien décidée à présidentialiser la dernière ligne droite de la campagne pour les élections européennes du 26 mai et être ainsi la troisième liste de ce scrutin.

« Le jeu auquel jouent LRM et Emmanuel Macron est extrêmement dangereux, en désignant le RN comme leur seul adversaire, en allant sur leur terrain, en utilisant leurs mots. Ils légitiment ce discours. Cette élection est en train d’être confisquée et ce duel est un duo. Notre rôle est d’être une troisième voie, une alternative », a asséné Manon Aubry, la tête de liste, samedi après-midi juste avant un meeting avec Jean-Luc Mélenchon et leurs partenaires européens de l’alliance Maintenant le peuple.

Duo gagnant

A quinze jours du scrutin, LFI assure donc ne pas vouloir rejouer la présidentielle de 2017 où Jean-Luc Mélenchon avait réuni près de 20 % des suffrages. Voire. Ses stratèges ont enclenché la dernière phase qui promet d’être intensive : trois grands meetings par semaine – contre un hebdomadaire auparavant – ; le rappel du mot d’ordre de faire de ce rendez-vous un « référendum anti-Macron » et une présence accrue du député des Bouches-du-Rhône. Avec un scénario bien rôdé depuis les campagnes présidentielles de 2012 et 2017 : des grands-messes avec le chef insoumis en vedette. Un Mélenchon omniprésent, donc, jusque sur les affiches alors qu’il occupe l’avant-dernière place sur la liste. Tant pis si cela éclipse la vraie tête de liste, Manon Aubry, 29 ans, qui a réussi à se faire un nom depuis qu’elle s’est lancée, en décembre 2018.

Pour l’instant, la montée en puissance de la candidate de 29 ans et le retour au premier plan de l’ancien sénateur socialiste semblent être une formule gagnante puisque les « insoumis » ont inversé la courbe sondagière, qui était en berne depuis l’épisode rocambolesque des perquisitions au siège de LFI et au domicile de M. Mélenchon. Ils ont rattrapé leur retard, et sont de plus en plus proches de leur objectif : réaliser au moins le score des législatives de 2017, soit environ 11 % des voix. « Si on dépasse ce score, cela voudra dire que l’on a inscrit quelque chose de durable dans le paysage politique », assure Bastien Lachaud, directeur de la campagne.

« Sortir de la caricature »

Le meeting à Marseille samedi après-midi n’a pas dérogé à cette « présidentialisation » des Européennes. Prévu d’abord Porte d’Aix, donc en plein air, il a été relocalisé aux Docks des suds, pour des raisons météorologiques. C’était surtout l’occasion de faire une réunion avec les partenaires européens de La France insoumise qui composent l’alliance « internationaliste » de Maintenant le peuple : les Espagnols de Podemos, les Portugais du Bloco de Esquerda mais aussi les Suédois et les Danois. Tous entendent montrer qu’il est possible de construire « une nouvelle Europe, féministe, écologiste pour les gens et pas pour les élites », comme l’a résumé Ione Bellara, députée espagnole de Podemos.

« Nous voulons sortir de la caricature que l’on fait de nous d’un mouvement nationaliste, replié sur soi », a précisé Mme Aubry lors d’une conférence de presse avec les formations sœurs en Europe. En revanche, ni Pablo Iglesias, leader de Podemos, ni Catarina Martins du Bloco, n’ont fait le déplacement. Cette absence de poids lourds étrangers a, en tout cas, préservé la lumière pour M. Mélenchon dont le discours s’est articulé autour de la paix. Comme – coïncidence ? – son discours marseillais d’avril 2017 juste avant le premier tour de l’élection présidentielle.

« Pas de guerre du tout ! »

« Nous sommes avant toute chose, les militants de la paix. Il est temps de prendre conscience des enchaînements dangereux dans lesquels l’Union européenne est entrain de s’enchaîner [avec l’OTAN]. Non, il n’est pas question que la défense européenne se fasse dans le cadre de l’OTAN (…) Notre ligne ce n’est pas de guerre. Ni petite, ni moyenne. Pas de guerre du tout ! », a-t-il ainsi martelé devant 800 personnes (selon les organisateurs), fustigeant la présence américaine en mer Méditerranée et en mer Noire ainsi que « l’hystérie anti Russes et pro OTAN ».

« Il y eut depuis 2014, au Parlement européen, plus d’une résolution par an contre les Russes. Nous n’avons pas ce regard sur les Russes. La Russie fait partie de la civilisation européenne ». Et de paraphraser Charles de Gaulle : « l’Europe va de l’Atlantique à l’Oural ». M. Mélenchon continue : « Nous n’avons aucun intérêt à voir les tensions monter avec les Russes, à voir l’Ukraine rentrer de l’OTAN, ce serait une provocation. » Le chef des « insoumis » a également vertement critiqué la présence française en Pologne et dans les pays baltes, « face à la Russie ».

« Tartuffe »

De son côté, Manon Aubry, a, quant à elle, multiplié les attaques contre La République en marche et Emmanuel Macron, « ces Tartuffe » et a fustigé un double discours du parti présidentiel à propos d’écologie. « Si l’on veut prendre à bras-le-corps la catastrophe climatique, il faut s’en prendre aux premiers responsables, les plus riches, les grandes entreprises multinationales », a-t-elle notamment lancé. Et d’ajouter : « La fin du monde et la fin du mois ont les mêmes responsables. »

La candidate a ensuite évoqué le sort des migrants en Méditerranée. « Ayons une pensée pour ces 2 500 personnes qui ont perdu la vie l’année dernière dans cette mer », a-t-elle intimé aux militants réunis, qui l’ont applaudie.

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